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inépuisable pour la guerre ; » il aurait été « l’un des principaux motifs qui ont déterminé les ennemis à faire la paix. » L’assertion est singulièrement hasardée. Il suffit de parcourir les comptes rendus de Mallet ou de Forbonnais pour voir que, bien loin de trouver dans le produit du dixième « une ressource inépuisable, » Desmarets dut continuer à vivre avec des moyens de fortune : imposer des avances aux receveurs généraux, vendre des lettres de noblesse, créer de nouveaux offices, etc. Quant au l’établissement de la paix, il fut rendu possible par la victoire de Denain, par les succès des troupes de Villars et de Vendôme, bien plus que par n’importe quelle combinaison financière.

Conformément à la promesse du Roi, le dixième aurait dû être supprimé dans les trois mois qui suivaient la fin de la guerre ; mais, lors de la signature du traité d’Utrecht en 1713, la pénurie du Trésor était telle que, « pour éviter un plus grand mal, » c’est-à-dire une banqueroute imminente, le nouvel impôt fut conservé pendant quatre ans jusqu’en 1717. Sa disparition même ne fut que provisoire : les campagnes malheureuses du règne de Louis XV obligèrent le gouvernement à en décréter le rétablissement, d’abord de 1733 à 1737 : puis de 1741 à 1749. En 1750, le dixième fut diminué de moitié et perçu sous le nom de vingtième des revenus ; un second vingtième, s’ajoutant au premier, fut levé en 1755 ; un troisième en 1760. Ce dernier souleva des tempêtes. Les Parlemens s’insurgèrent. Celui de Paris, remontant aux principes du droit public, contesta au souverain le pouvoir d’établir des contributions nouvelles sans le consentement des représentans de la nation. Celui de Rouen fut non moins hardi et ne craignit pas d’imputer le désordre des finances à la cessation des États Généraux, « qui permettait au génie fiscal de rompre ses digues et d’accabler le pays sous des impôts toujours croissans, perçus tyranniquement et avec d’horribles vexations ! »

Malgré les remontrances des Parlemens, les édits furent enregistrés ; les nouveaux vingtièmes furent perçus et, tantôt au nombre de deux, tantôt au nombre de trois, demeurèrent en vigueur jusqu’à la fin de l’Ancien Régime ; ils rapportaient en moyenne unie recette annuelle de 75 millions de livres.


Comment fonctionnait cet impôt « si honni et impopulaire ? » Les diatribes des parlementaires étaient-elles fondées ou ne