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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.

Le moment est déjà passé de parler en détail du scandale provoqué par les aveux et par l’arrestation de M. Duez. Il venait d’éclater lorsque nous écrivions notre dernière chronique et, pendant quelques jours, la presse ne s’est guère occupée d’autre chose. La tribune en a retenti à la Chambre des députés et au Sénat. D’éloquens discours ont été prononcés. Puis, un silence relatif a commencé à se faire, plus rapidement qu’on n’aurait pu s’y attendre, comme si nous étions blasés sur les affaires de ce genre, et comme si une de plus ou de moins ne tirait pas à conséquence. L’opinion ne réagit plus ; elle a l’émotion vive mais courte ; l’indignation soutenue est un sentiment trop fort pour elle ; elle retombe vite dans sa passivité. Au Parlement, tout s’évapore en paroles et, dans le pays, une distraction succède à une autre. Le scandale de M. Duez a distrait les esprits de celui, qui n’est pas moins grave, dont l’arsenal de Toulon a été le théâtre. Le vol ne se pratique pas seulement dans les bureaux des liquidateurs. Le phénomène est plus général, et il y a tout lieu de croire que ses manifestations multiples proviennent partout d’une même cause.

Cette cause est le défaut de surveillance et de contrôle. Il y a partout de malhonnêtes gens, ou des gens susceptibles de le devenir lorsque les tentations qui s’exercent sur eux sont trop grandes et les freins qui les retiennent trop faibles. Tel homme qui aurait été, correct toute sa vie, s’il avait trouvé partout la correction autour de lui, finit par se laisser aller au relâchement général, lorsqu’il l’a constaté et éprouvé. Or il y a aujourd’hui un relâchement général dans nos mœurs publiques. Le motif en est simple. Sans être admirateur à l’excès d’un passé qui a eu aussi ses défaillances, on peut dire qu’autrefois l’intelligence, le zèle, le travail, enfin les services rendus étaient en somme, pour un fonctionnaire, le meilleur moyen d’arriver.