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entraîneraient aussi, désormais, la perte des charges ecclésiastiques ou l’inaccessibilité à ces charges : c’était l’immixtion de la police correctionnelle dans les attributions mêmes de la hiérarchie. Les débats du Reichstag avaient appris à l’Allemagne à mépriser l’épiscopat. « Si tous les évêques sont comme les décrit Lutz, disait le comte de Munster, il faudrait tous les fusiller. »

Lasker, dans ses Souvenirs, reproche à Lutz d’avoir ainsi introduit, dans les débats sur les choses d’Eglise, « le bouillonnement de la passion religieuse et l’amère âpreté du langage. » L’équité réclamerait qu’on étendit ce reproche à tous les nationaux-libéraux du Sud, vrais instigateurs de ces violences parlementaires. Ils avaient, — et cela était grave, — fait l’expérience de leur ascendant, non pas seulement sur le Reichstag, mais sur Bismarck lui-même. L’appel adressé par la Bavière à la Prusse et à l’Empire devait apparaître à Bismarck comme une victoire nouvelle de l’esprit unitaire, et cette victoire, c’étaient encore les nationaux-libéraux qui la ménageaient. Seulement, à force de faire vaincre Bismarck et de vaincre avec lui, ils commençaient à vouloir qu’il se battît derrière eux. Une époque se préparait, durant laquelle parfois on ne saurait trop si Bismarck, dans sa marche contre l’Eglise, s’avancerait parallèlement avec les nationaux-libéraux ou bien s’il se hâterait à leur remorque.

Cette époque, même, s’ouvrait peut-être déjà : car un prochain article montrera comment, à la fin même de 1871, Bismarck, poursuivant à l’endroit des catholiques sa politique de rancunes, se disposait à sacrifier aux nationaux-libéraux de Prusse un principe et une alliance auxquels jusqu’alors il avait paru attaché, le principe de la confessionnalité de l’école et l’alliance des conservateurs.


GEORGES GOYAU.