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dernières peintures ou sculptures de Giotto, on puisse ressaisir de singulières similitudes avec nos imagiers antérieurs ou contemporains ? Quoi d’étonnant encore à ce que, de leur côté, les républiques nationales, guelfes ou gibelines, aient voulu lutter avec l’envahisseur étranger et lutter entre elles pour la magnificence des édifices nécessaires à leur organisation politique comme à leur ferveur religieuse ? Le fait est qu’en quelques années, presque toutes les villes, grandes ou petites, de l’Italie centrale et septentrionale, dressent, à côté de leurs cathédrales, des palais publics, palais de la Commune ou de la Seigneurie, de la Police (du Podestat), de la Justice (della Ragione) où s’amalgament les mêmes élémens, romans et gothiques, avec une grandeur, une ampleur, une majesté souvent formidables. Et une variété infinie de combinaisons élégantes dans les formes, les décors, les couleurs qui étonne et réjouit les yeux sans jamais les lasser.

Assurément, si l’on remarque, çà et là, dans les monumens publics ou dans leurs dérivés, les palais de nobles familles ou de riches bourgeois, plus d’une parenté, pour les détails, avec nos édifices de France ou d’Allemagne, on n’en doit plus chercher l’origine dans les travaux des moines cisterciens, mais dans ceux des architectes de Lombardie, en rapports constans avec ceux de Bourgogne et de la région lyonnaise, et aussi avec ceux des ingénieurs du Nord, ramenés par Frédéric II de Chypre ou d’outre-monts, dont le plus célèbre est le champenois Chinard. Avant même que s’élevât la Basilique d’Assise, l’empereur cosmopolite avait donné droit de cité, dans ses États, à l’art gothique, sous sa forme religieuse. La cathédrale de Messine, renversée par les derniers tremblemens de terre, datait de son règne. Un peu plus tard, il avait, plus ardemment encore, avec la liberté croissante de sa curiosité universelle, encouragé l’importation, sous sa forme civile, militaire et princière. La Pouille, où se dressait son château favori, Castel del Monte, imitation, pour l’ensemble, d’un castel français, les Abruzzes, la terre de Bari, la Campanie, où la Porte fortifiée de Capoue était une restitution, dans sa structure et dans ses sculptures, de l’art des Césars romains, n’étaient pas seules à montrer des exemples de sa protection intelligente et de son goût éclectique. La Toscane, où il avait fait construire, avec d’autres châteaux forts, celui de Prato dont la tradition attribue le plan à Nicolas de Pise, le