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d’effacer en partie les créances actuelles, avait aboli définitivement la sanction redoutable de l’esclavage pour dettes. Sous Pisistrate, l’Etat seul avait des garanties suffisantes pour avancer de l’argent aux cultivateurs. Le paysan de l’Attique est resté préservé du fléau de l’usure. Or, il n’existait pas, d’autre part, de grandes entreprises commerciales ou industrielles faisant un appel constant aux capitaux.

On peut presque dire qu’au VIe siècle le commerce national n’existait pas. Sans doute, Athènes avait eu de bonne heure quelques marchands : Solon en est un illustre exemple. Mais, depuis le temps du sage, rien n’avait changé, et le vieux port de Phalère était encore le seul de la contrée. Une flotte d’une cinquantaine de barques à 30 ou à 50 rames suffisait toujours à un des plus étendus parmi les Etats grecs. La mer n’a été révélée aux Athéniens que très tard — quelque peine que les générations futures, anciennes et modernes, aient eue à accepter cette idée.

C’étaient les vaisseaux éginètes ou corinthiens qui emportaient au loin les produits de l’Attique. L’activité d’Egine est la contre-partie de la longue torpeur commerciale d’Athènes. Egine a été, pendant tout le VIe siècle, un des principaux foyers du commerce de la mer Egée. Vers 500, elle était à l’apogée de sa fortune. C’est alors que s’y élevaient les temples dont nous admirons les débris, — alors que Pindare célébrait « les chevaux de ses bourgeois. » Or, Egine est à deux heures du Pirée : de l’Acropole, on voit l’île se dessiner, avec une netteté parfaite, sur la côte de l’Argolide. Pour que les vaisseaux venant d’Orient prissent le chemin d’Athènes, il fallait de toute nécessité qu’ils désapprissent d’abord celui de la ville des Eacides. C’est précisément dans la lutte contre Egine (487-47) qu’Athènes devait jeter les premières bases de sa prospérité maritime.

Quant aux industries, la principale était la poterie : et nous voyons, par les peintures de vases, combien les ateliers de potiers étaient modestes. Dans d’autres branches, par exemple dans la fabrication des armes, il semble que certains artisans arrivassent déjà à une large aisance, comme Sophillos de Colone, le père de Sophocle, qui put faire donner à son fils l’éducation « musicale » au sens grec du mot la plus complète. Mais pour satisfaire les exigences des habitans de l’Attique, il n’y avait encore nul besoin de ces grandes fabriques où plus tard des spéculateurs entasseront les esclaves, comptant se