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de tâtonnemens et d’essais heureux aboutit à la création des bataillons de chasseurs à pied. Suivant une expression militaire reproduite par le prince, c’était une artillerie de main mise à la disposition du commandement. Un des mérites particuliers de la nouvelle troupe devait être de se porter rapidement sur un point déterminé. Aussi pour les chasseurs à pied eut-on soin d’ajouter à l’instruction habituelle du fantassin la gymnastique, les évolutions au pas de course, l’escrime à la baïonnette et une instruction spéciale de tir. La gymnastique était depuis longtemps en honneur dans l’armée. On apprenait aux soldats à courir, mais on ne leur apprenait pas à courir en rangs et en armes, la course n’étant pas admise dans les manœuvres. Les chasseurs donnèrent les premiers l’exemple de ce pas de course cadencé qu’on appelle le pas gymnastique. On les vit avec admiration se porter rapidement d’un lieu à un autre sans bruit, sans confusion, dans un ordre parfait, aussi régulièrement rangés que s’ils marchaient au pas ordinaire.

Essayé en Algérie, le premier bataillon de chasseurs à pied, qu’on appelait à l’origine des tirailleurs, y réussit merveilleusement. Les hommes, formés par leur éducation gymnastique, furent promptement rompus aux marches et aux fatigues de la guerre ; la qualité de leur instruction individuelle frappa les chefs et leur adresse de tireurs excita l’admiration universelle. Au moment même où ils faisaient leurs premières armes en Afrique, en 1840, la paix de l’Europe parut menacée et le gouvernement prit les mesures nécessaires pour ne pas être surpris par les événemens. Parmi ces mesures, une des plus importantes fut la création de dix bataillons de chasseurs à pied que le ministre de la Guerre chargea le Duc d’Orléans d’organiser. Le Duc d’Aumale ne pouvait pas écrire le nom d’un frère si aimé et si regretté sans lui rendre un public hommage. D’une grande modestie pour lui-même, n’ayant pas fait la moindre allusion aux services qu’il avait rendus en Afrique, il ne se crut pas tenu à la même réserve dès qu’il s’agissait du Duc d’Orléans. Pour un observateur attentif, l’accent avec lequel il parle de son aîné aurait suffi à révéler le nom de l’auteur de l’article, lors même que d’autres indices ne l’auraient pas fait connaître.

Le portrait vaut la peine d’être retenu, parce qu’il ne vise que les qualités militaires du prince et qu’on n’en peut contester l’exactitude. Le Duc d’Orléans aimait passionnément l’armée,