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protestations. Désarmer les chrétiens de Macédoine, à quelque nationalité qu’ils appartinssent, était fort bien, mais il aurait fallu étendre l’opération aux musulmans et on ne l’a pas fait. Les plus éprouvés ont été les Bulgares. Ce sont eux, à la vérité, qui forment les bandes les plus redoutables, composées non seulement d’autochtones, mais encore de frères venus de l’autre côté de la frontière : ils la repassent d’ailleurs quand le danger est trop grand, et c’est ce qu’ils ont fait lorsque les soldats turcs ont voulu les désarmer. Naturellement ils se sont plaints et le gouvernement bulgare a été obligé d’envoyer une note à Constantinople. Elle était d’ailleurs de ton modéré, et les allégations qu’elle contenait n’étaient pas inexactes. Nous avons dit comment le désarmement s’était fait. Les soldats turcs n’ont pas deux manières d’opérer, et ils sont tout surpris quand on condamne comme inhumaine la seule qu’ils connaissent et qu’ils ont toujours pratiquée. Comment peut-on faire autrement ? disent-ils. Le gouvernement ottoman, qui a une autre notion des choses, a pris des mesures pour que les excès commis ne se renouvellent pas, et ces mesures ont sans doute été efficaces, car on parle un peu moins de la Macédoine depuis quelques jours. Mais la Bulgarie reste frémissante, l’opinion publique y est très surexcitée, et il ne faudrait pas l’encourager beaucoup pour qu’elle fit quelque éclat. Hâtons-nous de dire que personne ne l’encourage et que, de partout, on lui conseille la prudence et la réserve. Le danger, s’il a existé, semble pour le moment conjuré.

Nous ne sommes pas aussi sûrs qu’il le soit du côté de la Grèce. Lorsqu’on a parlé d’élire en Grèce une assemblée révisionniste. nous avons tout de suite exprimé la crainte que, une fois élue, elle n’émit la prétention de s’ériger en Constituante, et nul ne sait où cela peut conduire. L’Assemblée a été élue ; elle n’est pas encore entrée en fonction et déjà quelques-uns de ses membres, et non des moindres, parlent d’en faire une Constituante : au lieu de se contenter de réviser quelques articles de la Constitution, elle en ferait une autre. Une Assemblée, élue avec un mandat déterminé et limité, n’a évidemment aucun droit de le transformer et de l’étendre ; mais ce sont là des scrupules qui pèsent peu à Athènes. On l’a déjà vu lorsque la décision a été prise de procéder à l’élection d’une assemblée révisionniste dans des conditions anticonstitutionnelles ; il aurait fallu le vote de deux Chambres successives, on s’est contenté d’un seul. Ce précédent prouve pour le moins que les Grecs s’embarrassent médiocrement des questions de forme. Au surplus, ce n’est pas la