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officiers. Rappelez-vous qu’ils appartiennent à cette vaillante armée que nos pères accueillirent avec délire en 1859, et que, pour chasser les Autrichiens d’Italie, ils ont écrit, avec leur sang, dans leur histoire et dans la nôtre, les noms de Palestro, Magenta, Solférino. Rappelez-vous et saluez. »

De tels souvenirs ne peuvent que resserrer les liens de cette amitié franco-italienne, qui subit tant de vicissitudes et traversa même une redoutable crise. Après la guerre de 1859, survinrent des différends que M. Crispi envenima au point de changer en adversaires les fratelli qui, sur les mêmes champs de bataille, avaient versé leur sang pour fonder l’indépendance de la péninsule. Aujourd’hui, les deux sœurs latines marchent la main dans la main. La Triplice a perdu son caractère agressif et elle garantit l’Italie elle-même contre son allié autrichien. Le comte Nigra, qui s’y connaissait, n’a-t-il pas dit : « L’Italie ne peut être que l’alliée ou l’ennemie de l’Autriche ? »

Quatre mots résument, en Tunisie, les sentimens franco-italiens : intérêts connexes, sympathies grandissantes. Pourtant, tout n’est pas parfait ; il reste du chemin à parcourir. En dépit des affinités latines, une confiance absolue ne règne pas encore entre les deux groupes. Jamais d’explosion grave, mais des incidens minuscules, des piqûres d’aiguille. Ainsi, depuis quelques années, on soumet, à l’arrivée, les immigrans de troisième et de quatrième classe a une visite médicale, prélude de la vaccination, quand le médecin le juge utile. Un immigrant refuse-t-il de se prêter à cette formalité ? On ne l’autorise point à débarquer. Certains Italiens considèrent cet examen préalable comme une brimade visant à barricader le territoire. Que pensent-ils donc de la sélection autrement sévère et vexatoire que les Américains exercent à Ellis-Island (New-York) ? Car le gouvernement des Etats-Unis n’ouvre les barrières qu’à bon escient, aux sujets sains, robustes, possédant quelque instruction. et quelques dollars. Il englobe les autres sous l’épithète dédaigneuse d’undesirable, et il les repousse.

Même chez leurs alliés, au lieu d’un accueil cordial, les émigrans italiens ne récoltent que des ennuis. Sans parler de l’Autriche, où d’ailleurs ils ne vont pas volontiers, en Allemagne, ils sont constamment entre l’enclume et le marteau. Plusieurs Etats, la Prusse, le Gotha, la Saxe, leur imposent un permis de séjour. Ces étrangers, venus pour chercher du travail, suivent-ils un