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entre la Turquie et la Roumanie, nous voulons le croire puisqu’on le dit ; mais qu’importe si les deux pays, après avoir reconnu la concordance de leurs intérêts dans un certain nombre d’hypothèses, se sont mis d’accord sur la conduite à suivre dans le cas où elles viendraient à se réaliser ? On connaît des arrangemens de ce genre : les formes qu’ils peuvent prendre sont extrêmement nombreuses. Nous ne savons pas quelle est celle que la Roumanie et la Turquie ont adoptée mais tout porte à croire qu’un lien existe entre elles parce que leur intérêt était de le former.

Cet intérêt, à vrai dire, est encore plus manifeste à Constantinople qu’à Bucarest. Nous parlions dans notre dernière chronique, et nous aurions pu le faire depuis quelque temps dans presque toutes, du conflit devenu permanent entre la Turquie et la Bulgarie en Macédoine. Tout sert à l’entretenir et on s’y applique. Les Bulgares ne sont pas fâchés d’avoir des griefs toujours disponibles contre la Turquie. Ils ont une armée bien organisée, pourvue de tout, bien commandée, de tous points respectable, qui n’a pour eux d’autre inconvénient que de peser sur leur budget d’un poids difficile à soutenir longtemps. Quand on a fait la dépense d’une armée pareille, la tentation est grande de s’en servir, et cette tentation agit puissamment à Sofia. Les Bulgares sont flattés sans doute que leur pays ait proclamé son indépendance et se soit érigé en royaume ; mais, réalistes avant tout, cette satisfaction d’amour-propre leur paraît insuffisante comme prix de leur effort, et ils reprochent au roi Ferdinand de n’avoir pas profité des circonstances, au moment de la révolution jeune-turque, pour franchir la frontière et s’établir sur un point du territoire ottoman. La Turquie était presque désarmée, elle aurait été surprise et n’aurait pas pu se défendre. L’intérêt général qu’elle excitait alors aurait peut-être amené l’Europe à intervenir en sa faveur, mais les Bulgares auraient toujours conservé quelque bénéfice du coup définitivement accompli : aussi déplorent-ils amèrement de s’en être abstenus. La Turquie s’est rendu compte du danger qu’elle avait couru ; elle n’a pas voulu y rester exposée une seconde fois et, depuis deux ans, elle a pris des précautions militaires très sérieuses. Elle ne s’en est pas tenue là ; elle a cherché un appui éventuel au dehors, et elle a jeté les yeux sur la Roumanie. Si, en effet, on regarde une carte, on se rendra compte que la Bulgarie, placée entre la Macédoine ottomane au Sud et la Roumanie au Nord, ne peut en quelque sorte pas bouger sans s’être assurée des dispositions de cette dernière. Il suffirait à la Roumanie de faire des