Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travail de vérification. Le tort de M. Aulard a été de croire trop vite, dans bien des cas, que Taine était en faute. C’est ainsi que plus d’une pièce a été retrouvée par M. Cochin, qui avait échappé à M. Aulard.

En veut-on quelques exemples ? Taine compte dans une pièce du carton H 1453 un total de 36 comités ou corps municipaux « qui refusent de protéger la perception des taxes. » Il n’y en a que 16, rectifie M. Aulard. Mais M. Aulard se trompe de pièce ; il consulte la pièce 245, Taine se réfère à la pièce 270. C’est M. Aulard qui est en défaut. Voici mieux. Taine cite un passage de l’Histoire de la Révolution de Poujoulat sur l’assassinat de Foullon et renvoie à la page 100. Il n’y a rien, dit M. Aulard : « ni au tome I, ni au tome II de cet ouvrage il n’est question de Foullon à cette page, ni même, si j’ai bien cherché, ailleurs. » M. Aulard a mal cherché. Il a consulté l’édition en deux volumes de 1848, au lieu de l’édition de 1857 en un volume. Dans cette dernière, la citation se trouve à la page indiquée, et comme Taine ne fait pas mention d’un tome, c’est bien à l’édition en un volume qu’il fallait se reporter. La référence est juste, c’est le reproche qui ne l’est pas. Et les cas de ce genre ne sont pas rares. Sur vingt-huit erreurs matérielles que relève expressément M. Aulard dans les cent quarante pages de l’Anarchie spontanée, il y en a treize qui sont des erreurs de M. Aulard, d’après la contre-vérification de M. Cochin, qu’il faut tenir pour exacte, puisque M. Aulard, après plus d’un an, n’y a pas répondu. Mais ces chicanes de virgules, de numéros de cartons, de dates, de pagination, sont un peu mesquines. Elles s’en prennent souvent, chez Taine comme chez M. Aulard, à de pures fautes d’impression.

Voici qui est plus grave : c’est l’accusation de s’être permis des citations altérées, des citations tendancieuses. Voyons-en quelques spécimens. Taine, à propos de troubles à Montlhéry, en mars 1789, dit : « La maréchaussée est découragée, écrit le subdélégué. » M. Aulard, méfiant, se reporte au texte de la lettre du subdélégué et le rétablit ainsi : « La maréchaussée, insultée et battue, ne peut plus espérer de mettre de l’ordre ; elle est découragée. » En quoi la citation incomplète altère-t-elle le sens ou change-t-elle la portée de la citation complète ? Certes, il faut citer avec exactitude, et c’est une imprudence chez Taine de ne pas y mettre toujours le soin méticuleux qu’on exige