Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 59.djvu/885

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qu’apparemment, comme il n’y avait pas eu de tempête, il fallait qu’ils eussent été démâtés dans un combat, et ce qui achevait de le faire croire était que le chevalier de Forbin et du Guay-Trouin, avec leurs escadres, étaient sortis de Brest pour aller attaquer cinq gros vaisseaux de guerre anglais qui convoyaient plusieurs bâtimens de transport chargés de troupes et de munitions de guerre et de bouche pour le Portugal. Cette nouvelle vient d’être éclaircie par le chevalier de Tourouvre, qui a rapporté que le chevalier de Forbin a pris trois gros vaisseaux dont il y en a déjà deux arrivés à Brest, que le chevalier de Tourouvre y a menés. Le troisième en était fort proche ; outre ces vaisseaux, on en a coulé un à fond qui était à trois ponts et percé par cent pièces de canon, et le chevalier de Forbin donnait la chasse au cinquième qui a pris la fuite de bonne heure. Il a lâché nos armateurs après les vaisseaux de transport. On dit que sur le vaisseau qui a coulé à fond, étaient les principaux officiers des troupes qu’on envoyait au Portugal. »

Ainsi donc, Forbin, dans son rapport officiel daté du 27 octobre, apporté par Tourouvre, s’attribuait tout le mérite de la victoire. Il ne récrimine pas encore contre l’« insubordination » de du Guay-Trouin, comme il le fera plus tard ; il dit : « L’escadre de M. du Guay, qui s’est trouvée fraîche carénée, a joint les ennemys avant nous et commencé le combat. » Il prétend s’être emparé de la frégate le Ruby, qui en réalité a été enlevée à l’abordage par le Maure. « Les deux frégates, dit-il, sont venues au secours de leur commandant : je suis arrivé avec l’escadre, j’ay abordé l’une de ces frégates et fait rendre… j’ay laissé le soin au sieur de la Moinerie, commandant le Maure, d’amariner le vaisseau que j’avais pris, et suivi M. de Tourouvre… » Enfin, en ce qui concerne le Devonshire, il s’exprime ainsi :

« La mer était grosse, le vent frais, le gros navire que nous chassions marchait bien et ne se battait qu’en retraite, M. de Tourouvre qui se trouvait le plus proche et qui voulait l’aborder a été passé par les armes, son mât de beaupré rompu, et toutes ses voiles en lambeaux. Le Lys étant frais caréné, et qui marchait mieux que nous, s’est mis par le travers de l’ennemy, l’a canonné et désemparé, ce qui nous donna des moyens d’approcher. Estant prest à l’aborder avec le Salisbury et le Griffon, le feu a pris dans la bouteille de l’ennemy et dans un instant à