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L’âge légal pour le conclure était celui de la puberté, c’est-à-dire pour la femme douze ans révolus. Les unions contractées à cet âge-là n’étaient pas rares. Elles étaient communes en Béarn et dans le pays basque. On trouve même des exemples de mariages encore plus prématurés. Il y a des jeunes filles, écrivait Érasme, qui sont femmes à dix ans et mères à onze.

Mais les alliances qui devançaient l’âge légal et même celles qui le suivaient immédiatement n’étaient pas, pour la plupart, suivies de la consommation et doivent dès lors être considérées plutôt comme des fiançailles. Tallemant nous dit bien que Mlle de La Guiche n’avait pas plus de douze ans quand son père, le maréchal de Saint-Géran, la maria à M. de Chazeron ; mais il ajoute que le marié, qui était fort jeune aussi, alla voyager en Italie pour donner à sa femme le temps d’acquérir un peu plus de maturité. Marguerite de Sully n’était qu’une enfant quand elle épousa Henri de Rohan, mais les deux époux furent séparés et, si la jeune épousée « née à l’amour plus que personne du monde » accoucha plus tôt que cette séparation ne permettait de l’espérer, ce ne fut pas la faute de son mari qui en fut le premier surpris. Si Tallemant lui-même s’unit à une impubère de onze ans et demi, Elisabeth Rambouillet, sa cousine, il faut dire que la célébration fut retardée de deux ans. Notre pensée n’est pas de contester la multiplicité des mariages précoces, mais de réagir contre l’exagération à laquelle se laisse aller à cet égard l’opinion courante. Dans un temps où les alliances matrimoniales étaient plus encore l’union de deux familles que de deux personnes, où la considération de la situation sociale l’emportait sur celle des sympathies réciproques, où la vie pratique et professionnelle commençait de bonne heure pour le jeune homme, il y avait plusieurs motifs pour établir hâtivement les jeunes filles. Nous croyons, toutefois, pouvoir affirmer que c’était entre seize et vingt ans que se faisait le plus souvent cet établissement. À la fin du XVIe siècle, la femme d’André du Laurens, le médecin de Henri IV, professait que c’est quand elles entrent dans leur dix-septième ou leur dix-huitième année qu’il faut penser à « loger » les filles et c’est alors qu’elle chercha à marier la sienne. Toutes les coutumes avaient reculé l’âge nubile des femmes au-delà de douze ans, et celle du Bourbonnais notamment l’avait porté à seize. Dans le Limousin, où les familles avaient pourtant le tort, au moins dans la capitale