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l’usage, à l’exercice de la profession, les solliciteurs tentèrent de déloger le Barreau : sans titres, sans attache professionnelle, échappant à toute discipline, ils prétendaient offrir aux plaideurs leurs services, et s’installer, comme les avocats, à leur place, dans la grande salle. Les avocats réclamèrent au Parlement, et le Parlement s’empressa de rendre un arrêt par lequel il réservait les bancs à ceux seulement qui s’étaient fait recevoir.

Au XVIe siècle, cependant, se produit un événement considérable dans l’histoire de la magistrature française : ses charges, pour les besoins du Trésor, furent déclarées vénales. Il est inutile de rappeler la fâcheuse influence de cette vénalité sur la composition des Parlemens : toutefois, elle laissa subsister de fortes traditions, et même elle assura dans certaines familles une sorte d’éducation et d’hérédité judiciaire qui fut utile au corps tout entier de la magistrature. Ce qui se perdit, ce fut cette coutume si heureuse qui faisait choisir dans le Barreau les conseillers et les chefs du Parlement. Après le XVIe siècle, on ne voit plus guère des exemples de ce recrutement. Et sans doute les avocats y perdirent, mais la magistrature elle-même ne s’en trouva pas mieux. Du moins les liens étroits du passé subsistèrent. Le Parlement tient toujours fermement à son Barreau, et le Barreau à son Parlement.

On en voit au XVIIIe siècle des preuves certaines. C’en est une, et des plus convaincantes, que la phrase où d’Aguesseau écrit de l’Ordre des avocats qu’il est « aussi ancien que la magistrature, aussi noble que la vertu, aussi nécessaire que la justice : il se distingue par un caractère qui lui est propre, et, seul entre tous, se maintient toujours dans l’heureuse et paisible possession de son indépendance. » Ce furent encore des preuves, et qui n’allaient pas sans péril, que l’attitude de l’Ordre dans deux circonstances où le Parlement subissait les effets de sa résistance passive à la volonté royale.

En 1720, au moment des affaires de Law, il était exilé à Pontoise. Il avait obéi à l’ordre d’exil. Il avait gagné Pontoise : il s’apprêtait à y reprendre ses travaux. Mais ces travaux, c’est-à-dire ceux de la justice, comment pouvait-il y pourvoir sans le concours des avocats ? Et qu’allaient décider les avocats ? D’accepter pour eux-mêmes la mesure de rigueur qui frappait les magistrats ? Ou bien, l’estimant injuste, de refuser leur soumission ? C’est à ce parti qu’ils s’arrêtèrent. Invités à suivre le