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la Russie, l’Angleterre, l’Italie, l’Autriche trouveraient à gagner à une dislocation de l’Empire ottoman. Nous seuls y perdrions certainement, car nous y avons une situation économique prépondérante, et surtout nous voulons y faire fructifier un capital moral et intellectuel auquel nous attachons autant de prix, pour le moins, qu’à nos capitaux-argent ; nous regardons la Turquie nouvelle comme une fille de notre civilisation : c’est en ce sens, aussi bien qu’au point de vue économique, que nous avons, nous surtout, besoin d’une Turquie vivante et forte, mais pacifique et civilisatrice, qui soit, en Orient, un facteur de progrès, de concorde et de bonheur.

Ces réflexions, nous sommes assuré que, depuis l’incident de l’emprunt, les plus éclairés parmi les Jeunes-Turcs les ont faites. Le ton de leurs journaux est devenu beaucoup plus modéré, beaucoup plus sympathique à la France dont ils cherchent les occasions de rappeler la vieille amitié et les services ; l’ambassade de France a rencontré, depuis cette époque, un esprit de conciliation, un désir d’entente qui étaient plus rares il y a quelques mois ; elle a obtenu de sérieux avantages d’ordre économique ; les difficultés relatives aux Algériens résidant en Turquie ont été aplanies. Il n’est donc pas exact de dire que les relations de la France avec la Jeune-Turquie soient devenues moins bonnes. La Jeune-Turquie paraît résolue à ne laisser prendre à personne une influence prépondérante à Constantinople ; elle suit en cela la tradition de tous les gouverne mens turcs, y compris celui d’Abd-ul-Hamid. Nous avons déjà, dans l’Empire ottoman, une situation considérable ; elle prendrait plus d’importance encore si le gouvernement français, d’accord avec ses alliés et ses amis, pouvait préparer et offrir à la Jeune-Turquie le plan d’ensemble d’une collaboration de longue durée et de grande envergure.


V

Nous n’avons pas hésité à dire ici, en toute franchise, à la fois notre persistante sympathie pour la Jeune-Turquie et pour ses généreux efforts de rénovation, et aussi les inquiétudes que les actes de certains Jeunes-Turcs nous inspirent pour l’avenir. Nous sommes convaincu que les Jeunes-Turcs rendront justice aux avis désintéressés qui leur viennent de France ; si ces