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annoncées, franchit les Alpes, et fut représentée sur les scènes françaises, souvent hospitalières au génie étranger. De même-que les meilleurs de ses romans, dépassant les limites d’une renommée locale, avaient été traduits en plusieurs langues, de même, l’École du déshonneur fut jouée à Paris, et plut. — Romanticismo, donné pour la première fois en 1902, marqua l’apogée de sa carrière. Car cette pièce le faisait entrer dans l’enceinte où l’Italie honore, quelquefois avec les cérémonies d’un culte, ses écrivains patriotiques. À vrai dire, il ne retrouva plus dans la suite le même bonheur. Mais on le traita toujours avec une sorte de respect ; on se départit pour lui de la sévérité accoutumée ; on ne voulut pas se montrer malveillant devant des œuvres moins heureuses, comme le Re Burlone ; on eut presque l’air de s’excuser, lorsqu’en faisant le compte des applaudissemens, à la manière italienne, on les trouva peu nombreux. En 1909, quand la Moglie di Molière tomba d’une lourde chute, la critique se mit à chercher encore des circonstances atténuantes ; elle s’efforça de croire que l’insuccès de la première représentation serait passager ; elle condamna même, — singulière fortune ! — le public plutôt que l’auteur : « La matière théâtrale fut jugée insuffisante ; et jugée est peut-être trop dire : c’est plutôt le mot impression qu’il faudrait employer. Encore cette impression pourrait-elle se transformer dans les représentations qui vont suivre, et qui commencent ce soir : comme pour le Re Burlone, dont les spectateurs ne se montrèrent pas enchantés la première fois, et qui fit ensuite une tournée victorieuse, et prit droit de cité dans notre répertoire… Des démonstrations d’affection et de respect envers Gerolamo Rovetta eussent été convenables ; elles ont manqué : j’en suis désolé, non pour lui, mais pour le public… » (D. Oliva, Giornale d’Italia, 20 mai 1909.) Se sentir ainsi consoler, lorsqu’on vient de subir un échec, c’est encore une façon d’être heureux.

Or, parmi tous les dons qu’il reçut en partage, le plus utile à son art, celui qui contribue surtout à lui donner une physionomie particulière et une originalité propre, c’est le privilège de rendre la vie. Il est si précieux, que toutes les écoles le revendiquent pour elles. Mais précisément, Rovetta n’est d’aucune école ; il ne se laisse ranger dans aucune catégorie ; comme il n’a pas de disciples, il n’a pas eu de maître. On rencontre chez lui des réminiscences de tel ou tel auteur, ainsi qu’il arrive