Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 1.djvu/489

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attitude en neutralité armée et diriger mes dispositions militaires contre votre frontière. Cette position pourrait devenir une pente des plus dangereuses. Malgré l’assurance que m’a donnée le général Fleury que la France ne touchera pas à la question polonaise, je reçois des informations qui me prouvent qu’on relève la tête dans ces provinces. Je pense que ces déclarations françaises sont encore inconnues, et, quoique je les aie accueillies avec reconnaissance, je ne m’y fie pas entièrement. Je vous ai fait prier de passer chez moi pour que vous puissiez entendre cela de ma bouche et transmettre à l’Empereur la pressante prière que je lui adresse d’observer une ligne de conduite analogue à la mienne. Je remercie encore une fois l’Empereur des bonnes assurances qui m’ont été apportées à Varsovie et qui ne se sont pas effacées de ma mémoire. Dites à votre auguste maître que le moment et les circonstances actuelles me font ressentir encore plus vivement le désir que nous soyons de bons voisins et de francs amis, ayant les mêmes vues d’abstention désintéressée, le même désir pour le prompt rétablissement de la paix, la pensée de rétrécir autant que possible la durée et l’extension de cette lutte. Je vous mets en garde contre les instigations de la France qui voudra vous entraîner dans la guerre ; j’ai des raisons de le croire. Il est vrai que vous vous trouvez en face de la Prusse de qui vous avez, sinon une revanche à prendre, du moins une rancune à garder, sentiment que je trouve fort naturel. Cependant, ce ne serait pas, d’après mon opinion, une bonne politique pour l’Autriche que de se laisser entraîner par un sentiment de vengeance. » Chotek observa que le caractère éminemment national que la lutte prenait en Allemagne donnerait à craindre, dans le cas d’une défaite des Français, que la Prusse ne devînt une attraction dangereuse pour tous les pays dont les populations allemandes graviteraient désormais vers Berlin. L’empereur Alexandre parut comprendre ce danger qui le menaçait lui-même dans les provinces baltiques. Élevant la voix, il dit avec chaleur : « Voilà un côté de la question où je suis bien aise de vous parler directement. Veuillez dire à l’Empereur, votre maître, que moi, avec ma parole d’honnête homme, au nom du roi de Prusse, je me porte garant de la sécurité des frontières de la monarchie autrichienne. J’espère qu’on attachera à ma parole la valeur qu’elle semble mériter. Dès que je me suis décidé à vous tenir le langage que vous venez d’entendre, j’ai