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intéressant spectacle, durant toute la durée de mars et d’avril, que cette passe d’armes, encore courtoise, mais déjà très vive, entre les deux assemblées qui, depuis les débats passionnés du Bill de réforme de 1832, se sont partagé, non sans d’assez fréquentés mésintelligences, mais cependant sans conflits trop violens, le pouvoir législatif. La situation de la Chambre des Lords était difficile. Au cours de la période électorale, ceux-là mêmes qui lui appartenaient et qui avaient pris sa défense, comme Lord Curzon dans un grand discours prononcé par lui à Brighton, dont j’ai rendu compte, avaient reconnu la nécessité pour elle de se réformer. C’est donc que son organisation ou son fonctionnement étaient critiquables, et c’est la vérité sur plus d’un point. Je ne voudrais pas résumer, en l’abrégeant, l’étude si complète que M. Augustin Filon a consacrée ici même à la Chambre des Lords[1], mais il est indispensable, pour bien comprendre les événemens dont l’Angleterre est depuis quelques mois le théâtre, de préciser ces critiques.

La Chambre des Lords se compose, d’après le dernier peerage de Debrett, de 630 pairs, soit seulement 40 membres de moins que la Chambre des Communes. Pour une Chambre haute, c’est là une proportion tout à fait insolite. En Prusse, la Chambre des Seigneurs ne compte que 315 membres, et en Autriche, elle n’en compte que 266. Il est vrai qu’en fait il n’y a guère plus de 200 pairs qui prennent part habituellement aux débats des Lords. Les autres ou n’y viennent jamais, — on les appelle des backwood men, parce qu’ils préfèrent vivre au fond de leurs bois, — ou n’y viennent que très rarement pour prendre part à un scrutin important sans avoir le plus souvent assisté aux débats. De plus, parmi eux figurent, en nombre restreint sans doute, mais cependant encore trop élevé, un certain nombre de membres que la langue parlementaire qualifie courtoisement d’undesirable peers, et la langue populaire, plus rudement, de black sheep, — brebis galeuses, — c’est-à-dire des pairs dont la vie scandaleuse ou la déconfiture notoire ne laisse pas que de porter atteinte au prestige de l’assemblée dont ils font partie.

Les adversaires de la Chambre des Lords allèguent en outre que les futurs pairs, les jeunes Lords qui doivent arriver un jour

  1. Voyez la Revue du 1er mai 1910.