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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 2.djvu/128

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des intéressés n’osa protester, qu’aucune tentative de fédéralisme ne s’est jamais produite dans l’empire. Restait à régler le sort des 1 200 000 samuraïs ; leur caste était une gêne et même un danger pour le nouveau régime, mais, d’autre part, leur force était grande ; pendant huit siècles, ils avaient seuls porté les armes, seuls gouverné le pays, seuls reçu de l’instruction et c’étaient eux qui avaient fait la Révolution. Pour recruter la nouvelle armée nationale, dont les troupes cédées par les clans avaient formé le premier corps, on établit le service obligatoire ; de fait, tous les soldats étaient des paysans ; sans doute les officiers étaient des samuraïs, mais on les avait choisis avec soin, on sut les détacher de leur caste et les rallier au nouveau régime par un rapide avancement et substituer dans leur esprit à la solidarité de clan le dévouement à l’empereur. Dès que le gouvernement fut sur de la nouvelle armée, il agit avec décision : les membres de l’ancienne caste militaire perdirent leur titre de samuraï, leurs privilèges, leur costume et le droit de porter leurs deux sabres ; ils furent en revanche exemptés des lois qui leur interdisaient l’exercice de toutes les professions. Les terres qui appartenaient soit collectivement aux clans, soit individuellement à des samuraïs, furent confisquées par l’Etat ou données aux paysans ; les samuraïs, comme aussi les princes féodaux médiatisés, reçurent en échange des pensions. Le gouvernement obéré ne put payer ces pensions, il les frappa d’un impôt progressif, puis il proposa aux titulaires un rachat volontaire ; ce fut bientôt le rachat forcé, mais non pas en argent, en fonds d’Etat, et dans des conditions si défavorables que les titulaires des plus grosses pensions recevaient seulement un capital égal à cinq années de leur pension et ce capital eu fonds à 5 pour 100 ; ces fonds furent d’abord dépréciés et rachetés en partie par le gouvernement au-dessous de leur valeur ; les fonds non rachetés, ayant plus tard atteint le pair, furent convertis à des taux d’intérêt de plus en plus bas. Ainsi, tandis que les samuraïs qui avaient pris une part directe à la Révolution recevaient toutes les places de la nouvelle administration, les autres samuraïs furent réduits à la plus affreuse misère ; les révoltes furent donc nombreuses, quelques-unes mirent le nouveau régime en danger, mais les mécontens se divisèrent, les uns réclamant le retour au passé, les autres un gouvernement purement démocratique ; les premiers furent écrasés, les seconds formèrent les grands