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doute l’Acte se ressent des circonstances où il est né ; mais, tel qu’il est, il ne mérite pas les critiques et les attaques dont il a été quelquefois l’objet. Au total, il est pour nous une garantie et un frein : la garantie est précieuse, le frein peut quelquefois être salutaire. La garantie vient de ce que toutes les autres puissances renoncent à acquérir une situation privilégiée au Maroc et reconnaissent ce caractère à celle de la France et de l’Espagne. Il ne s’agit pas de privilèges économiques, mais de privilèges politiques. Notre situation particulière fait l’objet, à Algésiras, d’une reconnaissance formelle, et on sait qu’un arrangement ultérieur, conclu avec l’Allemagne en 1909, va plus loin encore, puisqu’il reconnaît que « les intérêts particuliers de la France au Maroc sont étroitement liés à la consolidation de l’ordre et de la paix intérieure » et que le gouvernement impérial se déclare « décidé à ne pas entraver ces intérêts. » Cet arrangement de 1909 a pour nous une importance capitale : il ne faut pas toutefois en étendre démesurément la portée. Il ne détruit nullement l’Acte d’Algésiras ; il ne le remplace pas ; les limites posées par cet Acte persistent. Et où sont-elles ? Elles sont dans l’obligation, acceptée par toutes les puissances, de respecter l’intégrité territoriale du Maroc et l’indépendance du Sultan. Y a-t-il pour nous, dans ces restrictions, motif à un regret ? Non, si nous sommes sages, car nous n’avons aucun intérêt à nous attribuer une partie du territoire marocain, et nous en avons un certain à ce que la souveraineté du Sultan soit maintenue. Ce serait folie de notre part de vouloir occuper et gouverner le Maroc ; quand même les arrangemens internationaux ne nous l’interdiraient pas, nous devrions nous l’interdire à nous-mêmes. Dès lors, en quoi donc l’Acte d’Algésiras est-il pour nous une gêne ? Nous répétons qu’il est une garantie, et que nous devons nous abstenir avec le plus grand soin de manquer aux obligations qu’il nous impose, afin de conserver le droit d’imposer aux autres celles qu’il leur impose aussi et qui sont singulièrement plus étroites. C’est le jour où l’Acte d’Algésiras serait dénoncé que nous commencerions à nous inquiéter : il n’y aurait plus de charte marocaine internationale et nous pourrions bien être amenés alors à regretter cet Acte qu’une partie de l’opinion, chez nous, a très inconsidérément combattu.

Or c’est précisément de la dénonciation de l’Acte d’Algésiras que l’Allemagne nous a, faut-il dire menacés ? le mot serait trop fort ; mais s’il n’y a pas eu menace, il y a eu avertissement. Nous prenons comme expression de la pensée allemande un article évidemment officieux