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Fez ne peut plus tenir que quelques jours ; l’artillerie commence à manquer de munitions. La Gazette de l’Allemagne du Nord assure au contraire que, « d’après les nouvelles officielles venues de Fez et dont les dernières sont datées du 1er mai, tous les Allemands habitant cette ville sont en bonne santé et dans une sécurité complète : il n’est pas question de disette. » Lequel se trompe, du consul français, M. Gaillard, ou du consul allemand, M. Vassel ? On le saura bientôt. Tout ce que nous pouvons dire aujourd’hui, c’est que les journaux anglais, et notamment le Times, sont encore plus pessimistes que les journaux français, et ils sont généralement bien informés : on ne voit d’ailleurs pas l’intérêt qu’ils auraient en ce moment à semer l’alarme et à présenter les choses sous un jour plus noir que la réalité.

Notre intérêt, à nous, est évidemment de ne faire au Maroc que le strict nécessaire, d’enfermer notre action dans les limites les plus justes et de lui donner la durée la plus courte possible. Nous le devons d’autant plus qu’à l’attitude d’observation et d’attente de l’Allemagne s’ajoute l’attitude inquiète de l’Espagne. Nos journaux ont publié, presque quotidiennement, des notes d’où il résultait que les gouvernemens de Madrid et de Paris marchaient la main dans la main et que le premier, rendant pleine justice à la franchise du second, vivait avec lui en pleine confiance. Nous aurions voulu le croire, et la chose, en effet, nous semblait toute naturelle. N’avions-nous pas des accords particuliers avec l’Espagne ? N’étaient-ils pas scrupuleusement respectés ? Où pourrait être entre nous une cause de mésintelligence ? Malheureusement, la lecture des journaux espagnols ne nous permettait pas de vivre dans cette confiance. On doit sans doute tenir compte de l’espèce de nervosité dont ces journaux sont en ce moment agités ; elle les porte à l’exagération, mais le sentiment auquel ils obéissent n’a rien d’artificiel, il est sincère et profond dans son injustice. Comment est-il né ? Nous aimons l’Espagne ; notre histoire commune, qui nous a si souvent mis en conflit, nous a finalement rapprochés dans des souvenirs glorieux pour les deux pays ; nous nous sentons de même race que les Espagnols, et c’est pour nous une inclination toute naturelle que de nous attacher à la même œuvre et de travailler de concert à l’accomplir. Que veut l’Espagne ? Quel but poursuit-elle ? Quels desseins prépare-t-elle ? Convaincus que nous sommes qu’elle tient comme nous à l’Acte d’Algésiras, pourquoi ne nous prêterions-nous pas à ses désirs légitimes ? Si, contrairement à nos intentions, il y a eu de notre part,