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premiers âges de la vie sont intéressans à étudier. A n’en pas douter, c’est la tendance unificatrice qui est alors la plus forte, l’enfant qui vient de venir au monde n’ayant encore subi lui-même aucune de ces influences particulières qui agiront sur lui par le climat, par les coutumes, par la langue. Il en a cependant reçu tout ce que l’hérédité a accumulé de caractères secondaires : il ne tardera pas à s’en ressentir de plus en plus, mais il est certain que, dans les premières années, les caractères fondamentaux sont moins altérés, moins modifiés, en tout cas, qu’ils ne le seront dans la suite de la vie.

Il est aisé, par exemple, de remarquer que les traits de la physionomie juive ont, parmi nous, besoin de quelque temps pour s’accuser. Au lycée, nos camarades israélites ne différaient guère de nous. Dans telle ou telle de nos grandes écoles, à l’Ecole normale entre autres, les divergences étaient encore assez légères. Quand nous nous retrouvons après les dix ou quinze ans de dispersion imposés par nos carrières respectives, nous sommes frappés du changement : cette fois, c’est bien le type ethnique qui apparaît et qui se reconnaît à première vue.

Or, on peut généraliser sans crainte. J’ai consulté à ce sujet un certain nombre de missionnaires revenus à Paris des pays lointains. Aucun n’hésite : entre le petit nègre et le petit Européen les différences sont beaucoup moins saillantes qu’elles ne le sont entre le nègre adulte et l’Européen adulte. Les mères de famille de nos villages ont coutume de dire que « tout ce qui est petit est gentil. » Le petit nègre est donc éveillé, gai, gracieux, intelligent : il n’a point encore usé contre les obstacles séculaires de la nature ou de la barbarie ce surcroît de force nerveuse qui suffit amplement à ses jeux.

Ce que des Pères du Saint-Esprit me disent de l’Africain, des Lazaristes me le disent du Chinois, tout en me faisant observer que les caractères propres à ce dernier sont moins contraires au développement normal de la moyenne des facultés humaines, et que par conséquent le contraste entre les années de début et les années suivantes est moins saillant. C’est l’inverse qui est à noter quand, au lieu de rester chez les noirs sénégalais, on va dans les tribus du centre et, par exemple, au fond du Congo. Là, en effet, la race a subi de plus graves déformations, et les marques de l’abrutissement héréditaire sont plus promptes à se manifester.