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favorable : toutes ces influences ont au moins l’avantage d’exercer l’intelligence naissante, tout en lui épargnant la peine de recommencer un travail déjà fait ; elles la libèrent de plus d’une servitude organique et de beaucoup d’impulsions dues au hasard, qu’il lui faudrait, sans cela, subir à son tour. Il est souvent difficile de distinguer ce qui est dû à cette hérédité sociale et ce qui est dû à l’hérédité proprement physiologique. C’est une raison de plus pour faire en sorte qu’au lieu de se combattre elles s’accordent et se renforcent mutuellement… en agissant dans le bon sens, cela va sans dire. Nous ne savons que trop comment, dans nos familles, une initiation prématurée aux conceptions du jour que véhiculent des allusions, des critiques, des éloges, des attitudes et des dessins, des manifestations, enfin, de toute nature, troublent souvent les meilleures éducations et compromettent même les fruits de la plus saine hérédité. Heureusement, ce que certains milieux font perdre, d’autres milieux le peuvent faire gagner. Mais, encore une fois, le mouvement réparateur ne doit pas être trop prompt et il doit être surveillé. Les nouveaux convertis à la vie chrétienne et à la vie civilisée ne peuvent tout d’abord s’élever bien haut. « On en trouve parmi eux (ce sont toujours des missionnaires qui me documentent) qui sont de bons écoliers primaires, puis des employés intelligens et recherchés, des ouvriers d’art, sculpteurs, orfèvres, ébénistes et même des musiciens, des organistes habiles. Mais peu d’imagination créatrice et nulle aptitude encore pour les études abstraites. »

Veut-on hâter le mouvement ; on compromet tout à la fois l’intelligence et la moralité des sujets. Mieux vaudrait, le missionnaire n’hésite point à le dire, le laisser dans la vie de sa tribu. Il y serait dans un milieu inférieur, soit. Mais il pourrait s’y élever au-dessus de ses congénères, au-dessus de lui-même. Indiscrètement introduit dans un milieu tenu pour supérieur, il n’en comprend ni les exigences, ni les contradictions : il y entreprend des lâches qui le dépassent, il risque d’y retomber au-dessous du niveau même où il réussissait à se maintenir auparavant. Écoutez ce que me disait le prêtre catholique revenu d’un long séjour au continent noir : « La crise de la puberté une fois passée, le noir, même païen, s’il reste placé dans le milieu normal de sa tribu, à l’intérieur, retrouve d’ordinaire l’équilibre et la santé morale. Sans doute, il est pris par les