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voit pas. Qui a jamais vu un plafond ? Il faut une déviation particulière de la colonne vertébrale, ou des muscles du cou, pour être admis à composer le public extrêmement restreint qui juge naturellement des beautés de cette sorte d’ouvrage. On étonnerait bien les gens qui croient le mieux connaître le Louvre, si on leur disait la suite des peintures qui en bonifient les voûtes. Et les artistes qui les firent auraient pu y dépenser des trésors de génie, personne n’en saurait rien. Il y a, il est vrai, par le monde, quelques plafonds notoires. On ne sort pas du Vatican sans avoir visité la Chapelle Sixtine, ni de la Chapelle Sixtine, sans avoir payé au génie de Michel-Ange le tribut mérité d’un torticolis votif. Mais, là, du moins, la salle est si grande, le recul si profond, qu’on peut, sans se donner trop de peine, toujours en saisir quelque bout. Ailleurs, c’est presque impossible. On admire, de confiance, ce qui se passe au-dessus de sa tête, mais on ne le sait pas.

Pourtant, les artistes s’obstinent encore à ce labeur ingrat. Cette année, les deux ouvrages les plus considérables des Salons, sont des plafonds : ceux de M. Cormon, aux Champs-Elysées, destinés au Petit Palais, avec ce titre : Vision synthétique de l’Histoire de France, et celui de M. Besnard, sans titre, avenue d’Antin, destiné au Théâtre-Français. Le premier remplit une salle sans l’illuminer : le second, sans la remplir, l’illumine. M. Cormon, en effet, a dépensé beaucoup de peine et, sans doute, de talent, car il en a de reste, à découper des nuées à la ressemblance des personnages fameux de l’Histoire de France : Charlemagne, Théroigne de Méricourt, Bonaparte et le docteur Roux, par exemple, et il les fait vivre en plein ciel, là où personne ne les regardera.

Sa science est grande : il ne s’est pas contenté de montrer, comme il l’annonce dans le livret, « la vapeur, l’électricité, les chemins de fer, le télégraphe, la télégraphie sans fil, la lumière électrique, le téléphone, l’automobile, l’aéroplane…, l’intelligence humaine s’élançant pour saisir le miroir de la vérité, et les expositions universelles ; » il est allé tirer de l’obscurité naturelle, où l’Histoire les conservait, les figures de Camulogène et de Labiénus. On lit, en effet, dans le livret du Salon, ces mots concernant la première des figures destinées aux dix panneaux des voussures : Le chef des Parisii, le vieux Camulogène, attaque Labiénus, lieutenant de César. On reconnaît, à ce trait, le peintre