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Quelles belles pages pourtant d’épopées terrestres ou maritimes, majestueuses ou dramatiques, que cette Vue du château d’Arques, auréolée par le crépuscule, comme sur un trône doré, au-dessus des magnifiques futaies de sa calme vallée, ce Val d’Enfer au pied du Sancy, si mystérieux et si inquiétant avec ces troncs de hêtres luisans dans l’ombre tels que des fantômes ou squelettes blanchis, ces Marais salans à Saint-Valéry-sur-Somme, miroitans à peine, ternes, rentrans en terre, sous l’écrasante pesée des nuages noirs comme l’encre qui vont leur verser leur colère, ces Falaises de Houlgate en temps d’orage (Salon de 1861) et même le Gouffre, exposé la même année, mais certainement d’une époque antérieure.

Ce Gouffre c’est, avec le Cavalier, et l’Abbaye, l’œuvre qui avoue, le plus hardiment, son origine romantique. Le costume et le type du chevalier moyen âge qui arrête sa monture effarée à quelques pas de l’abîme vers lequel se penche, en tremblant, son page, datent assurément la composition. Le fond de forêts et de plaines menacées par l’orage sont, déjà, d’une exécution étonnante. Voilà bien de ces comparses, dont Huet ne perdit jamais le goût, et qui l’ont fait prendre, à tort, pour un pur décorateur romantique, tandis qu’en fait, les paysages, leurs structures, leurs mouvemens, leurs couleurs sont toujours d’une intense et forte vérité. On pourrait, nous l’avons dit, les supprimer sans dommage, presque toujours, car la scène s’explique sans les acteurs et ne leur doit pas son expression. Cependant, n’exagérons rien. Dans plus d’un cas, ces figures sont utiles ; c’est quand elles s’associent fortement au sujet, comme les baigneurs rapportant le corps d’un naufragé dans les Falaises de Houlgate ou le berger et sa femme, tapis et tremblans, sous leurs manteaux, dans un pli caché de terrain, au-dessus des Marais salans, dans l’attente de la foudre.

Ce n’est point seulement dans l’Inondation à Saint-Cloud que Huet excelle à nous montrer l’angoisse des grandes futaies, assiégées et minées par la montée des eaux débordantes, inclinant, sous les rages du vent, leurs longs fûts gémissans et leurs têtes effeuillées. Le Bois de La Haye, et la Laïla, une de ses dernières œuvres (un peu fatiguée, et moins résolue), nous offrent encore des spectacles semblables. Les colères de la mer démontée l’intéressent autant que celles des fleuves débordés. Où trouverait-on, dans les marines modernes, des soulèvemens