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surannées, ces maîtres professaient librement. Ils expliquaient et commentaient devant leurs auditeurs les ouvrages qu’ils avaient eux-mêmes choisis, souvent ceux dont ils préparaient alors des éditions. Au lieu d’argumenter dans le vide, ils s’appliquaient à faire comprendre la pensée ou les témoignages des auteurs ; ils enseignaient la langue à l’aide des textes et ils dégageaient de ces textes des idées et des faits. Cela ne ressemblait en rien aux bavardages fatigans et stériles dont retentissaient alors les écoles voisines. On sentait, en les écoutant, que le règne des mots était fini. Enseignement fait de réalité, vraiment substantiel et vivant. Les gens d’à côté faisaient de plus en plus figure de pédans ; ceux-ci étaient des savans et des hommes.

Pendant tout le XVIe siècle, sous Henri II et ses fils, le Collège soutint sa réputation, malgré la violence des attaques, malgré les jalousies et les haines, malgré le déchaînement des passions religieuses. Il subsista parce qu’il avait pour lui le bon sens et la vérité. Lorsqu’on parcourt la liste de ceux qui y professèrent en ce temps, on y rencontre quelques noms illustres, quelques autres qui le sont moins, et beaucoup qui ne le furent jamais. Ne craignons pas de le dire : ce qui assura la popularité des lecteurs royaux, ce fut moins la valeur exceptionnelle du petit nombre, celle d’un Turnèbe ou d’un Raimus par exemple, que l’excellent esprit qui était commun à presque tous. Ils représentaient l’étude indépendante, sincère, approfondie, visant à la connaissance sérieuse, l’étude qui enrichit et fortifie l’esprit. Auprès d’eux, on apprenait toujours quelque chose. Cela les distinguait de ceux auprès desquels on n’apprenait rien. Aussi l’institution grandissait-elle régulièrement. L’éloquence latine y avait été admise dès 1534 ; les langues orientales en 1538 ; la philosophie grecque et latine en 1542 ; la médecine en 1568.

Le XVIIe siècle et la première moitié du XVIIIe lui furent moins favorables. Le goût des humanités pures et l’esprit de discipline concordaient mal avec ce qu’on pourrait appeler sa « vocation. » On ne devait attendre ni de Richelieu, ni de Louis XIV, ni de Louis XV un bien vif intérêt pour les nouveautés scientifiques. Notons toutefois que le développement des relations avec l’Orient y fit créer en 1681 une chaire d’arabe et de syriaque, et qu’on y institua en 1670 l’enseignement du