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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/451

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REVUE DRAMATIQUE

LE THÉÂTRE BRUTAL

Je ne fais ici que traduire le sentiment de beaucoup d’honnêtes gens. Je me borne à enregistrer, dans l’intérêt même des écrivains de théâtre, un mouvement d’opinion dont ils ont besoin d’être avertis et dont il y aurait puérilité de leur part à nier l’existence ou à contester l’étendue et la vigueur. Je ne suis que l’écho d’une protestation dont on peut dire qu’elle est universelle, unanime, et exprime la commune inquiétude de tous ceux qui ont quelque souci de la dignité de l’art dramatique. Le genre des spectacles qui nous ont été offerts avec insistance, tout le long de l’année, sur les scènes les plus diverses et sur les mieux famées, ne laisse pas de doute sur la voie où notre théâtre s’est décidément engagé et où il risque de s’enlizer. La répétition des mêmes procédés, la recherche des mêmes effets a mis dans tout son jour une tendance de notre scène actuelle, à laquelle il est devenu impossible de se méprendre, et qui va sans cesse en s’accentuant. Sujets, milieux, types, sentimens, action dramatique et dialogue, tout y porte la même marque, celle d’une révoltante brutalité.

Quelques pièces, en raison de la notoriété de leurs auteurs et du bruit qu’on a fait autour d’elles, ont plus particulièrement contribué à mettre cette tare en évidence : ce sont le Vieil Homme de M. de Porto-Riche, Après moi de M. Henry Bernstein, et l’Enfant de l’amour de M. Henry Bataille. C’est à elles qu’on pense tout de suite et qu’on est tenté d’emprunter, comme je le ferai, la plupart de ses exemples. Mais il serait injuste de faire retomber uniquement sur leurs auteurs