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Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 4.djvu/941

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REVUES ÉTRANGÈRES

À PROPOS DU QUATRIÈME DE GEORGES VASARI

Vers ce même temps (c’est-à-dire pendant le long séjour de Vasari à Rome en 1546), j’avais pris l’habitude chaque soir, ayant fini ma journée, d’aller voir souper l’illustrissime cardinal Farnèse, dans la maison duquel se trouvaient toujours réunis, afin de l’entretenir de très beaux et honorés discours, Molza, et Annibal Caro, et messire Gandolfo, et messire Claude Tolomei, et messire Romulus Amaseo, et monseigneur Giovio, et maints autres hommes lettrés et galants dont ne désemplissait pas la cour dudit seigneur cardinal. Or voici que, un soir entre autres, on en vint à parler du Musée formé par Giovio, ainsi que des portraits d’hommes illustres qu’il y a rangés en bon ordre avec de très belles inscriptions ; et comme l’on passait d’une chose à l’autre, ainsi que l’on fait en causant, monseigneur Giovio nous dit qu’il avait toujours eu, et gardait encore, un grand désir d’adjoindre à son Musée et à son livre des Éloges un traité où serait parlé des hommes illustres dans l’art du dessin qui ont vécu depuis Cimabue jusqu’à notre temps. Après quoi, s’étendant sur ce sujet, il nous montra que, certes, il avait grande connaissance et grand jugement des choses de nos arts : mais il est bien vrai que, se contentant de faire un grand fagot, il ne regardait pas ces choses aussi bien dans le détail, et que souvent même, dans son discours sur lesdits artistes, ou bien il changeait les noms, les surnoms, les patries, les œuvres, ou bien ne disait pas les choses exactement comme elles étaient, mais, en quelque sorte, à la grosse. Et lorsque Giovio eut achevé ce discours, ensuite, voilà que le cardinal me demanda, en se tournant vers moi :

— Eh ! bien, qu’en dites-vous, Giorgio ? Ne sera-ce point là une belle œuvre, et valant tout le travail qu’elle exigera ?

— Belle assurément, répondis-je, mon illustrissime seigneur, si Giovio consent à s’y laisser aider par quelque homme de l’art, afin de mettre les