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de tous les despotismes : il se heurte à des obstacles infranchissables, contre lesquels se brisent les édits des monarques absolus. Le jeune savant montrait, avec une sûreté remarquable, où mènent les violations des lois économiques, et faisait comprendre pourquoi la France, après la cruelle expérience de cette Banque royale, fut si longtemps réfractaire aux essais d’organisation d’un régime fiduciaire analogue à ceux qui florissaient déjà au XVIIIe siècle dans plusieurs pays d’Europe.

Le deuxième livre de Levasseur fut également un ouvrage historique : c’est l’Histoire des classes ouvrières en France depuis la conquête de Jules César jusqu’à la Révolution. Une fois de plus, c’était un sujet économique que l’auteur avait choisi, sujet auquel il ne cessa, pendant un demi-siècle, de travailler avec acharnement, revoyant, complétant, perfectionnant sa première édition, jusqu’à la transformer pour ainsi dire en une œuvre nouvelle, comme en témoigne la deuxième édition imprimée en 1900. C’était entreprendre une belle tâche que de refaire l’histoire nationale à la lumière de cette idée qui paraissait alors nouvelle ; étudier la vie du peuple, l’évolution des humbles, l’effort incessant du travailleur des champs et de celui des villes ; dégager les causes qui les font agir ; montrer comment les besoins, les instincts de la masse déterminent des mouvemens politiques dont les causes étaient jusque-là restées cachées.


Je n’ai jamais perdu de vue, écrivait-il dans sa préface de 1900, le sujet sur lequel j’ai eu souvent l’occasion d’écrire dans des revues et de parler dans mes cours. Ce n’est pas sans émotion que j’ai, dans ma vieillesse, repassé la charrue sur des sillons que j’avais tracés dans ma jeunesse.


Puis il expose pourquoi il lui a semblé possible d’écrire l’histoire des classes ouvrières ; il revendique le rôle de l’architecte, responsable de la qualité des matériaux qu’il a choisis et de l’emploi qu’il en a fait. Il divise l’œuvre en sept livres, correspondant aux époques de la Gaule barbare et de la Gaule romaine, des invasions et de la formation du régime féodal du Ve au XIe siècle, de l’émancipation de la bourgeoisie aux XIIe et XIIIe siècle, de la guerre de Cent Ans, de la Renaissance, du XVIIe siècle, du XVIIIe siècle. A travers cette longue série d’années, il poursuit l’histoire économique, qui descend dans des régions plus intimes et plus obscures de la vie sociale que l’histoire politique. Il nous montre les effets de la civilisation romaine