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alors c’étaient des bizarreries, et non le jeu normal de la vie quotidienne. Après avoir lu ces Contes, — ou encore les Latineries imitées de Juvénal, de Martial ou de Pétrone, si savoureuses, mais si scabreuses ! — on reconnaîtra en M. Richepin, croyons-nous, le peintre le plus savant et le plus vivant à la fois de la Rome impériale, mais dans un domaine tout limité et exceptionnel.


V

M. Richepin n’est pas Je seul poète de la fin du XIXe siècle qui ait eu l’idée de faire représenter un drame à sujet « romain ; » déjà, une vingtaine d’années auparavant, la Comédie Française avait représenté la Rome vaincue de M. Alexandre Parodi, une pièce qui s’intitulait courageusement « tragédie, » et à laquelle cette étiquette vieillie ne devait pas porter malheur, puisque le succès s’en est prolongé jusqu’à l’heure présente.

Si la mode était encore aux parallèles, il serait aisé d’en esquisser un entre Rome vaincue et la Martyre : celle-là aussi simple, nue et sévère de ton que celle-ci est bariolée et chatoyante ; la première, vraie « tragédie » en effet, avec une sobriété d’action, une gravité d’éloquence, une hauteur de sentimens, un goût pour les discussions morales et politiques, qui rappellent le théâtre cornélien, la seconde, toute fleurie de détails pittoresques et de joliesses de style ; l’une, enfin, pour reprendre les termes jadis consacrés, inspirée par le spectacle de la « grandeur » des Romains et de leurs fortes vertus primitives, l’autre suggérée par leur « décadence, » par les excès et les vices de la corruption impériale, et par le déséquilibre mental qui en a été la conséquence. Dirons-nous que l’auteur de Rome vaincue s’est abstenu de prêter à ses personnages ces sentimens modernes dont nous signalions tout à l’heure l’intrusion dans les rôles de Johannès et de Flammeola ? Pas complètement peut-être : en mettant sur la scène, à cette date de 1876, la défaite et le relèvement d’une grande nation, il était bien difficile qu’un Français de cœur et d’adoption, comme l’était M. Parodi, ne songeât pas à une autre « vaincue... » Et qui donc, dans le public d’alors, aurait pu entendre parler de Cannes sans se rappeler Sedan, et sans s’approprier les belles leçons de courage et de constance données par les héros de la