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dans cette Gabbia di motti. C’est assez vous dire que la paix est faite, mais pour des reproches... attendez-vous à en recevoir, car vous m’avez causé trop de chagrin, et Dieu sait si j’avais besoin d’en avoir aussi de votre part ; mais, ils ne seront pas amers. »

Au mois de juin suivant, Humboldt est obligé de refuser une invitation à dîner de Mme de Prie pour le lundi ; mais il se met à ses ordres pour un jour d’après. Et elle de répondre :

« Me voici à vous tenir ma parole, selon ma louable coutume. C’est à vous à tenir la vôtre, monsieur. Rappelez-vous que je plie bagage, que je n’aurai bientôt plus un verre, ni une assiette disponible ; ainsi, vous devriez bienvenir dîner avec moi après demain 28. Vous y trouverez une aimable dame, sans son conservateur de mari ; mais il faudra que vous ayez la complaisance de vous trouver chez moi à quatre heures et demie, devant nous mettre à table à cinq heures précises, pour faire une course à la campagne après. Si vous êtes assez aimable pour cela, vous me ferez un bien grand plaisir, et je crains bien que ce ne soit le dernier, car comment compter sur un voyageur tel que vous, monsieur, moi pauvre bête de femme bien nulle ! mais sur laquelle vous savez bien que vous pourrez toujours compter pour une estime et un attachement invariables. »

Il y a aussi des reproches dans ce billet de la duchesse de Broglie, la noble fille de Mme de Staël :

« Vous m’abandonnez tout à fait, cela est bien mal : voilà quinze jours que je ne vous ai vu. Pourquoi me tenez-vous une telle rigueur ? On prétend que vous êtes sujet à vous dégoûter des personnes ; si tel était mon cas, cela m’affligerait beaucoup. Venez me rassurer, demain soir, si vous êtes libre. Mille amitiés. »

La réponse de Humboldt prouve que le reproche lui est allé au cœur :

« Je me rendrai à l’aimable invitation de Mme la duchesse. Elle attribue à la légèreté tudesque ce qui est l’effet de ma position. Me dégoûter, et de votre maison, quel blasphème ! Me dégoûter de M. de Broglie qui est l’espoir de la France, l’objet de mon attachement le plus affectueux ! En vous écrivant, on ne doit parler que de lui. »

Il y a dans ces propos beaucoup d’affection et beaucoup d’admiration. C’est ce double sentiment que ressent Humboldt pour