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inutile et même inconvenant dans ma position ; mais, rien dans ce monde ne me retiendra jamais de défendre celui qui est le plus cher à mon cœur.

« Voici, cher frère, le reçu signé ; cela est dans l’ordre, et très nécessaire pour ne pas laisser dans l’incertitude tes enfans. Tu sais d’ailleurs, cher ami, que je te dois encore 500 francs. — Je t’embrasse. »


Cette lettre est la dernière du dossier qui contient la correspondance des Humboldt. Elle ne démentira pas l’idée qu’on a pu se faire, en lisant les précédentes, de l’affection que s’étaient vouée l’un à l’autre les deux frères, de leur caractère et de leurs talens réciproques. Elle achèvera surtout de démontrer, en ce qui touche le baron Alexandre, que loin d’être hostile à la France et aux institutions qu’elle s’était données, comme l’en accusait la police, il en aimait les mœurs, les habitudes, la langue ; qu’il en parlait avec bienveillance ; qu’il souhaitait pour ses propres travaux comme pour lui-même l’estime et la considération de cette société française qui l’avait accueilli avec les égards et l’admiration dus à son génie, et qu’en conséquence, il ne méritait pas les indignes traitemens que lui infligeaient à son insu les agens attachés à ses pas. Ces traitemens seraient sans excuse à nos yeux s’ils n’avaient eu pour résultat de nous faire connaître, à presqu’un siècle de distance, des papiers dont on ne contestera pas l’intérêt, et qui probablement n’auraient jamais vu le jour, sans les procédés policiers de cette époque, lesquels d’ailleurs allaient disparaître, condamnés par leur indélicatesse et leur inutilité.


ERNEST DAUDET.