Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 5.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a grossièrement la forme. Les avantages réclamés par l’Allemagne sont certainement hors de proportion avec ceux dont elle nous concède le droit de nous assurer à titre très onéreux. Ce qui fait encore pencher fortement la balance en sa faveur, c’est que, toujours d’après les cartes récemment publiées, nous lui donnerions accès à la mer. Ce rêve qu’elle caresse, dont elle poursuit la réalisation depuis si longtemps, serait enfin réalisé. Oh ! petitement, pour commencer. Il s’agit d’un territoire qui partirait de l’Oubanghi et viendrait aboutir au rivage de l’Océan entre Libreville, qui nous resterait, et la Guinée espagnole. Mais il paraît difficile de croire que l’Allemagne se contentera longtemps de ce couloir étroit, et cette disposition contient à coup sûr les germes de difficultés futures soit pour l’Espagne, soit pour nous. Encore une fois, tout cela est excessif, et si l’Allemagne ne réduit pas ses prétentions, la négociation mettra longtemps à atteindre son but. On peut même se demander si elle l’atteindra jamais. Alors quoi ? Une nouvelle consultation des puissances deviendra-t-elle nécessaire ? Reprendrons-nous tous le chemin de quelque Algésiras ? Personne ne le souhaite, tout le monde marcherait à contre-cœur ; on dirait volontiers à l’Allemagne et à la France : Arrangez-vous comme vous vous voudrez, et laissez-nous la paix. En dehors de l’Espagne qui, pour le moment, reste étrangère aux difficultés pendantes et, après avoir mis la main sur le lot qu’elle convoitait, attend les événemens sans impatience, l’Angleterre seule les surveille avec une attention intense. Le reste de l’Europe y prend moins d’intérêt. Peut-être cet intérêt se réveillerait-il autour du tapis vert d’une conférence : pour le moment il sommeille, et tout le monde souhaite qu’un accord direct s’établisse entre Paris et Berlin, prêt à l’homologuer s’il ne porte pas atteinte à la situation des tiers. Cet accord direct, si désirable, si désiré, il appartient à l’Allemagne de le rendre possible.

Nous avons parlé de l’Angleterre, on en parle encore bien davantage en Allemagne. Des symptômes nombreux montrent que, dans ce dernier pays, l’exaspération va toujours en augmentant contre le premier. C’est un nouveau service que nous a rendu l’Angleterre d’avoir provisoirement détourné sur elle la mauvaise humeur qui s’était d’abord amassée contre nous. Au surplus, qu’a-t-elle à craindre de l’Allemagne ? Rien, au moins pour le moment, et elle reste indifférente aux éclats de colère dont on l’assaille. Jamais, écrivent les journaux allemands, nous n’oublierons l’explosion de haine qui s’est déchaînée en Angleterre contre nous. Ici encore, il faut entendre le