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syndicats fussent reconnus par les Compagnies et entrassent en rapport sans intermédiaires avec elles. Une première grève des chemins de fer avait déjà failli éclater en 1907 : elle avait été tout de suite arrêtée par M. Lloyd George, alors ministre du Commerce, dont ce succès a commencé la grande fortune politique. L’expédient imaginé alors par M. Lloyd George pour mettre d’accord les Compagnies et leurs agens n’a pourtant pas été en faveur bien longtemps : c’est contre lui, en effet, que le soulèvement d’hier s’est produit. Il s’agissait d’un Conseil de conciliation devant lequel patrons et employés devaient porter leur cause : en somme, c’était l’application de l’idée de l’arbitrage. Mais les ouvriers n’ont pas tardé à trouver que cette organisation tournait à leur détriment : elle leur donnait le plus souvent tort et diminuait l’importance de leurs syndicats qui ne pouvaient plus débattre leurs intérêts directement avec les patrons : en fait, le nombre des affiliés aux syndicats avait diminué depuis 1907 dans une proportion notable. En conséquence, les ouvriers demandaient, ou plutôt exigeaient que les Compagnies reconnussent les syndicats et en reçussent les représentans. C’est une chose singulière, et qui rend bien difficile toute organisation du travail, que les brusques changemens qui se produisent dans l’esprit des ouvriers, impressionnables, mobiles, incertains des principes auxquels ils doivent s’arrêter, un jour partisans des conseils d’arbitrage, le lendemain n’en voulant plus et préférant mettre face à face les patrons et les syndicats, dans l’espoir que les seconds auraient plus d’action sur les premiers, si cette action était directe et immédiate. C’est donc pour leurs syndicats que les ouvriers ont combattu, et ils l’ont emporté. On leur a fait des promesses ; on a crié victoire à leurs oreilles ; ils l’ont crié eux-mêmes. En fait, rien n’a été résolu définitivement : il a été seulement convenu qu’une commission nommée par le gouvernement résoudrait les questions d’organisation qui avaient été posées. La solution, bien entendu, sera conforme aux désirs des ouvriers. M. Lloyd George, qui avait joué un si grand rôle en empêchant de naître une première grève, n’en a pas joué un moindre en étouffant la nouvelle dans son germe ; il est partisan de l’intervention du gouvernement dans les conflits du travail et il ne se fait pas faute de se jeter lui-même entre les combattans pour les réconcilier ; cela lui a réussi jusqu’à présent, mais avons-nous besoin de dire que le procédé n’est pas sans péril ?

Quoi qu’il en soit, bien des choses ont sombré dans cette dernière aventure. Nous étions habitués à admirer l’organisation économique