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acquéreur, — une légende certainement, puisque proposition identique est prêtée à plus d’un grand maître pour d’autres œuvres. A la fin du XVIIIe siècle, l’archiviste de l’abbaye de Saint-Bertin, dom Charles de Witte, parlant de Guillaume Fillastre, dit : « Cet abbé fit faire à Valenciennes le retable du maître-autel. » Cette indication sommaire suffit au chanoine Deshaines pour restituer à Simon Marmion les peintures de Saint-Bertin, autour desquelles s’est peu à peu constitué le catalogue du « prince d’enluminure. » L’œuvre supposé de Marmion s’étend aujourd’hui des Grandes Chroniques de Saint-Denis (bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg) dues vraisemblablement au maître qui peignit le retable de Guillaume Fillastre, jusqu’aux scènes de la vie de saint Vincent-Ferrer à l’église de Saint-Pierre-Martyr à Naples, lesquelles sont certainement d’un maître hispano-napolitain ! L’auteur de la Vie de saint Bertin, — l’attribution à Simon Marmion reste hypothétique, — est un maître d’éducation flamande, voisin de Thierry Bouts, antérieur en épanouissement à Memlinc, lequel pourrait bien s’être imprégné de son style qu’on sent nourri de la tradition des grands enlumineurs du XVe siècle. Le tact, la grâce, le charmant esprit narratif déployés par l’auteur de cette série de petites scènes monacales conservées à Berlin, doivent-ils être considérés comme des indices du génie wallon, — ou, si l’on veut, français ? Peut-être. Mais ces mérites existent aussi chez les miniaturistes du quattrocento brugeois. Les maîtres néerlandais du XVe siècle sont très généralement semblables à leurs seigneurs, les ducs de Bourgogne, de la maison desquels le chanoine Molinet, panégyriste de Simon Marmion, disait : « Sa puissance estoit trop plus flamande que wallonne... »

Toutes les villes importantes de la Flandre wallonne, du Cambrésis, de l’Artois, du Hainaut, eurent des ateliers de peinture que l’on peut tenir pour des écoles. Douai, de son côté, vit naître à la fin du XVe siècle Jean Bellegambe, un maître charmant qui se souvient de Memlinc et qu’influencent Metsys et Gossart. Nous sommes, cette fois, à l’aube de la Renaissance italianisante... Douai avait connu une grande prospérité, grâce à la fabrication de ses écarlates, mais l’annexion de la Flandre wallonne à la France avait porté la plus grave atteinte à la ville