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De l’autre côté de la Manche, le nouveau règne semblait dépourvu de motif quelconque d’entreprise. La guerre de France paraissait avoir pris fin. Du moins on pouvait le croire. Charles V et Du Guesclin venaient de disparaître à leur tour. Mais leur besogne accomplie protégeait avec force le règne commençant de Charles VI, et interdisait pour longtemps au roi de Londres tout essai de nouvelle offensive entre Bayonne et Calais.

C’est à l’intérieur, à présent, que s’accusaient les difficultés de la politique anglaise. A l’intérieur, dans les plus laborieux comtés qui avoisinent la capitale, s’organisait l’extension formidable d’un soulèvement populaire, de l’espèce de ceux que les gardiens de l’ordre public, le plus souvent, déclarent inexplicables ou même inexistans, jusqu’à ce que leur vague de fond et leur poussée victorieuse aient tout ravagé, tout dévasté, tout effondré devant elles.

Dans le royaume insulaire, à ce moment même, et sur un malaise économique général, une fiscalité vexatrice se greffe et s’établit dangereusement. Les élémens de trouble préexistaient, divers, inégaux et multiples. Ils se manifestaient comme incohérens et enchevêtrés. La politique financière du pouvoir les fusionna, les coordonna, leur offrit un programme facile et palpable d’activité forcenée, de démence et de fureur. Ainsi se combina et se précipita la Jacquerie d’Angleterre.


Le malaise datait de loin. Dans certains comtés anglais, les dernières traces du servage, — d’un servage relativement récent, inconnu du vieux régime saxon et postérieur à la conquête normande, — ne se toléraient plus qu’avec impatience et demeuraient de moins en moins admissibles. La multiplication des tenures libres n’en affirmait que plus nettement la disgrâce et tout l’anachronisme. La concurrence étrangère, notamment celle des artisans de Flandre, indisposait le travail et le commerce indigènes. Mais surtout, les mesures de réglementation particulière, motivées par la hausse générale du coût de la vie, venaient exaspérer à la fois le négoce et la main-d’œuvre.

A la suite de l’élévation vexante des prix de toutes choses, provoquée par la trop fameuse Peste Noire et par la dépopulation massive dont elle avait été cause, un règlement connu sous le nom de Statut des Travailleurs, élaboré dans la minutieuse ordonnance de 1350, avait cru remédier à la gêne universelle