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Sur ses genoux un paile [étoffe] d’Engleterre,
Et à un fil i fet coustures beles ;


ou la chanson de la belle Aiglantine :


Bele Aiglantine, en roial chamberine,
Devant sa dame [sa mère] cousoit une chemise ;


ou bien encore celle de la belle Yolande :


Bele Yolans en sa chambre séoit,
D’un bon samit [satin] une robe cosoit, —
A son ami tramettre la voloit, —
En sospirant ceste chanson chantoit :
« Diex ! tant est dous li nom d’amor,
Jà n’en cuidai [pensai] sentir dolor ! »


L’auteur de Galeran (XIIe siècle) décrit ainsi la journée de la Reine, environnée de ses dames et de ses filles d’honneur. Elles passent les heures à


lire leur psautier
Et faire œuvre d’or et de soie [travailler à des tissus d’or ou de soie],
Oïr de Thèbes ou de Troie [romans d’aventure],
En leurs harpes lais noter,
Et aux échecs autrui mater,
Ou leur oisel en leur poing paistre...


Pour joyeuse que fût l’humeur de ceux qu’abritaient les demeures royales, les bâtimens eux-mêmes en présentèrent jusqu’au XIIIe siècle un coup d’œil sévère, mais qui n’était pas dépourvu de grandeur : vastes salles voûtées, aux murs blanchis à la chaux, quelquefois ornés de rosaces et de fleurons de couleur à la détrempe. Les sièges sont taillés de chaque côté des fenêtres dans l’épaisseur des murs, au long desquels ont également été ménagés des bancs en pierre de taille. Le sol est dallé de pierres dures ou d’un carrelage émaillé : les salles « pavées, » les « salles perrines » (en pierre) des chansons de geste. Deux pièces principales, comme il a été dit : « la Chambre » où se trouve le trésor et qui sert aussi de garde-meubles, où le prince réunit son conseil, et « la Salle » ouverte aux audiences publiques.

On y répand de l’herbe fraîche, des joncs, de la menthe et des fleurs en été ; de la paille en hiver. Philippe-Auguste ordonna