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de la consacrer une fois de plus. L’Allemagne parlait de garanties à lui donner ; nous ne voyons pas trop ce que ces garanties pouvaient être, mais, quelles qu’elles fussent, nous étions disposés à les accorder, pourvu qu’il s’agît bien d’égalité et non pas de privilège. Malheureusement, c’est un privilège que l’Allemagne revendique aujourd’hui. Sous quelle forme, nous n’en savons rien ; ce n’est vraisemblablement pas sous une forme directe et avec un but avoué ; mais le prétexte de défendre et de protéger les intérêts des Allemands au Maroc peut servir ici d’autant mieux qu’on s’est appliqué, dans ces derniers temps, à développer ces intérêts et, par des improvisations hardies, à en semer les germes sur des points du territoire où, hier encore, ils étaient inconnus. Les intérêts privés sont exigeans en Allemagne comme ailleurs, plus qu’ailleurs ; ils se mettent sous la protection des pangermanistes ; ils se servent des journaux habilement et puissamment ; quelque fort qu’il soit, le gouvernement impérial doit tenir compte de leurs prétentions et quelquefois subir leurs injonctions. Sa politique s’en ressent, au point qu’après avoir longtemps défendu au Maroc le principe de l’égalité commerciale, on la voit muer peu à peu et demander qu’à ce principe on admette dans la pratique un certain nombre d’exceptions. Ces exceptions devraient porter, semble-t-il, sur des participations qui seraient convenues et consenties d’avance, dans des proportions déterminées, à la construction des chemins de fer et d’autres entreprises d’intérêt public : le principe même de l’adjudication s’oppose à toute convention de ce genre. L’Allemagne va plus loin ; elle demande que la participation aux travaux ait pour corollaire la participation à l’exploitation qui s’ensuivra : son renoncement à toute action politique s’oppose à une concession de ce genre, car l’exploitation d’une entreprise d’intérêt général confine à la politique et même se confond avec elle. Enfin, s’il est vrai que l’Allemagne propose de partager le Maroc en deux zones, l’une au Nord, l’autre au Sud, et qu’elle réclame l’exercice de son privilège plus rigoureusement dans la seconde que dans la première, qui ne voit, à travers ces distinctions, les linéamens encore confus de divisions ultérieures possibles ? Pouvons-nous nous prêter à créer ce danger ? Non certes. Assurer à l’Allemagne au Maroc une égalité économique franche et loyale est tout ce qu’il nous est permis de faire, et c’est d’ailleurs faire beaucoup. L’œuvre que nous avons entreprise et que nous aurons à poursuivre est lourde, pénible, difficile ; elle nous a coûté beaucoup dans le passé, elle nous coûtera encore plus dans l’avenir ; il aurait donc été très naturel et très