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Dauphin est emporté d’un mal mystérieux. L’enfant fut présent à l’autopsie :


Je vis son corps ouvrir, osant mes yeux repaître
Des poumons et du cœur, et du sang de mon maître.


On arrête et on livre à la torture l’échanson Montecuculli, soupçonné d’avoir versé le poison. L’enfant dépose devant le tribunal réuni à Lyon et assiste à l’écartèlement du condamné. Il passe au service du troisième fils de François Ier, Charles, duc d’Orléans ; et, du camp retranché d’Avignon, il voit fuir Charles-Quint devant l’incendie de la Provence. À ces tragiques spectacles succèdent des fêtes éblouissantes : la réception de Jacques V, roi d’Ecosse, notre allié, accouru pour combattre l’Empereur, et son mariage romanesque avec Madeleine de France, qui, déjà minée et à demi consumée, ne veut pas mourir sans être aimée et sans être reine. « Elle apparut au jeune prince dans un chariot, dit M. Longnon d’après le chroniqueur Pitscottie, car elle était malade et ne pouvait endurer le cheval ; et, à peine l’eut-elle vu, qu’elle devint amoureuse de lui. » La destinée alternait ainsi, aux yeux de l’enfant, les jeux de la mort et de l’amour.

Le duc d’Orléans donne à sa sœur ce page élégant, fier, étincelant d’intelligence, et qui sait toucher de la guitare. On s’embarque au Havre. La jeune reine n’eut pas le temps de connaître son royaume. Elle fut seulement épouvantée de ce pays sauvage, et, deux mois après son arrivée,


Elle mourut sans peine aux bras de son mari
Et parmi ses baisers.


Le Roi désira garder ceux qui lui rappelaient la morte. Mais un an ne s’était pas écoulé qu’au milieu de splendides réjouissances il épousait une autre Française, Marie de Lorraine. Ronsard, revenu en France, repart bientôt pour l’Ecosse et, cette fois, va s’embarquer en Zélande. Le navire qui le portait, assailli par une furieuse tempête de trois jours, se brise en arrivant au port. L’année suivante, il reprenait le chemin du retour, mais par l’Angleterre et à petites journées. A peine Charles d’Orléans est-il rentré en possession de son page que, « ne voulant pas qu’un si beau naturel s’engourdît en paresse, » il le confie à Lazare de Baïf, qui se rendait en Allemagne, où les