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et la collaboration réciproque des forces physico-chimiques et de l’impulsion propre à l’activité vivante.


I

L’explosion du grisou est l’une des catastrophes les plus terrifiantes que l’on puisse imaginer. Le lieu souterrain où elle se déchaîne, sa soudaineté, le nombre des victimes, la difficulté de porter les secours et même de constater l’étendue du désastre, le doute où l’on reste souvent longtemps de la captivité, derrière des éboulemens volumineux, de malheureux qu’on ne sait délivrer, la marque fatale que portent si souvent en eux les échappés et qui les tue après une langueur incurable et plus ou moins longue, le concours autour des puits éprouvés de toute une population de femmes et d’enfans qui se livrent aux éclats de leurs craintes et de leur désespoir, — tout s’associe pour donner un caractère spécialement dramatique aux catastrophes des houillères.

On sait comment est installé le travail dans les mines : l’équipe d’ouvriers, dont c’est le tour, a remplacé les hommes fatigués par huit heures de travail et remontés au jour : elle prend la tâche où ceux-ci l’avaient laissée, abattant le charbon aux fronts de taille, poussant les galeries, selon le plan adopté par l’ingénieur. L’abatage se fait au pic et à la pince ; les fragmens sont emportés par des wagonnets roulant sur un chemin de fer et parviennent au fond du puits où des bennes les reprennent pour les monter à la surface. Tout cela est admirablement réglé et se fait avec une précision remarquable.

Rappelons d’ailleurs, en dépit de l’opinion contraire, que le mineur de houille peut être considéré comme un ouvrier favorisé. Le séjour de la mine, si effrayant pour qui ne le connaît pas, est relativement salubre, affranchi de toutes les vicissitudes de froid, de pluie, inhérentes à la surface et qui sont parfois si pénibles. L’habitat minier est favorable aux animaux eux-mêmes : « Les chevaux qui traînent les wagons sur les chemins de fer souterrains, dit Simonin[1], s’habituent vite à leur nouveau métier et savent bientôt reconnaître tous les passages, les courbes, les points dangereux. On les soigne

  1. La Vie souterraine, p. 130, 1 vol. gr. in-8. Paris, 1867.