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offensive et solidarité, s’est affirmée dans la guerre contre la France par des faits que le chef d’état-major général, auteur de la doctrine, n’avait certes pas prévus. Les premières batailles, les deux du 6 août et celles des 14 et 16 août, ont été engagées, non par le haut commandement, mais par des généraux en sous-ordres ou par de simples officiers d’état-major, tous si fortement imbus de l’esprit offensif qu’ils ne craignaient pas d’aller de l’avant et d’attaquer, même contrairement aux intentions du généralissime, sûrs qu’ils étaient d’être immédiatement soutenus par toutes les unités voisines marchant délibérément au canon et appliquant dans toute sa rigueur et dans toute sa logique le principe de la solidarité. Le succès fut la récompense de l’audace, d’une audace que l’on pouvait parfois qualifier d’irréfléchie.

Je ne parlerai pas du commandement français en 1870. Dans un remarquable article fort documenté, paru dans la Revue des Deux Mondes du 15 décembre 1910, M. Emile Ollivier fait un tableau saisissant de la manière dont le commandement fut improvisé au milieu d’intrigues qui mettaient d’avance la zizanie entre les différens chefs. Il en résulta ce manque de solidarité regrettable qui, le 6 août, isola le corps Froissard, le fit succomber sous le nombre et laissa échapper pour nous l’occasion d’une victoire certaine.

En 1866, les troupes autrichiennes sont réparties sur deux théâtres d’opérations ; l’empereur François-Joseph envoie de Vienne ses instructions d’une part à l’archiduc Albert en Italie, d’autre part au Feldzeugmeister Benedek en Bohême. L’empereur est généralissime ; Benedek et l’archiduc sont commandans en chef chacun dans sa région. Il y a unité de direction par le chef du gouvernement, mais chaque général conduit les opérations comme il l’entend.

Dans une guerre future, il est probable que le haut commandement allemand fonctionnerait comme en 1870 ; toutefois, l’Empereur actuel aurait peut-être une action plus effective et plus personnelle que son ancêtre sur la conduite générale de la guerre.

Après nos désastres, dus en partie à la supériorité du haut commandement ou plus exactement à la perfection de l’état-major