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REVUES ÉTRANGÈRES




À PROPOS DU CENTENAIRE DE LA MORT
D’HENRI DE KLEIST[1]




Durant l’été de l’année 1811, le jeune poète et dramaturge allemand Henri de Kleist, qui était resté à Berlin avec l’espoir d’obtenir enfin un emploi, militaire ou civil, avait eu tout particulièrement à souffrir de la solitude. Il avait vu partir en vacances sa cousine, la comtesse Marie de Kleist, — dont il s’était mis en tête récemment de devenir amoureux, bien que cette excellente personne eût déjà dépassé la cinquantaine, — et son ami le journaliste catholique Adam Muller, le seul homme qu’à présent il jugeât digne de sa confidence, et qui d’ailleurs, avec son mélange d’originalité intellectuelle et d’entregent pratique, ne pouvait manquer d’être, pour un songe-creux tel que lui, un conseiller et un guide infiniment précieux. Partis également ses principaux compagnons des dîners Chrétiens-Allemands, petite société très fermée d’écrivains et d’hommes du monde, équivalant un peu à notre futur Cénacle : d’opinions éminemment « loyalistes » en politique et révolutionnaires en littérature. Il y avait là notamment de jeunes poètes, comme Clément Brentano et Achim d’Arnim, avec lesquels Henri de Kleist s’entretenait volontiers, et dont il nous apprend lui-même, dans une de ses lettres, que leur absence de Berlin, pendant cet été de 1811, avait encore contribué à lui rendre plus sensible le poids de sa détresse matérielle et morale. Si bien que le pauvre garçon en était réduit à passer presque

  1. Voyez, sur Henri de Kleist, la Revue du 1er juin 1859.