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LE CHÂTEAU DE LA MOTTE-FEUILLY
EN BERRY

Par une des plus admirables journées de l’admirable été de l’an dernier, vers le soleil couchant, j’ai visité l’antique manoir de la Motte-Feuilly, auprès de La Châtre, illustré par le séjour de Charlotte d’Albret, femme de César Borgia, qui y passa de longues années et y mourut en l’an 1514. J’ai rapporté de cette excursion dans ces mélancoliques plaines du Bas-Berry, illustrées par la plume de George Sand, une impression profonde.

Charlotte d’Albret était la fille du vieil Alain d’Albret, dit Alain le Grand, duc de Guyenne, un des types les plus intéressans de la haute féodalité française du Sud-Ouest dans la seconde, moitié du XVe siècle. Elle était la sœur du roi de Navarre, Jean d’Albret, devenu tel par son mariage avec Catherine de Foix, sœur et unique héritière de François Phébus, dernier souverain de cette contrée, mort sans postérité.

Nous ne savons presque rien de la jeunesse de Charlotte. J’y reviendrai plus loin. Je dirai seulement ici qu’elle fut de bonne heure, aux environs de l’an 1497, appelée à la cour de France par Anne de Bretagne dont elle fut une des filles d’honneur. Elle y vivait heureuse sans que rien pût lui faire prévoir le brillant mariage qu’elle était sur le point d’accomplir et qui allait jeter sur son nom le plus tragique comme le plus douloureux éclat. En l’an mil quatre cent quatre-vingt-dix-huit,