Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
111
LE CHÂTEAU DE LA MOTTE-FEUILLY EN BERRY.

qui faisaient à Anne de Bretagne une si brillante et si jeune couronne. On expédia incontinent des ambassadeurs à Alain d’Albret, son père.

Cet Alain d’Albret, dit le Grand, un des plus grands barons de la couronne de France, qui, suivant l’expression très juste de Charles Yriarte, semble encore un homme du moyen âge, était un étrange et peu sympathique personnage auquel Achille Luchaire a consacré un livre curieux. Il était le chef actuel de cette puissante maison d’Albret, maîtresse, à la fin du XVe siècle, de la grande vallée de la Garonne et de presque tous les fiefs pyrénéens, et qui allait devenir, par le mariage d’un fils même d’Alain, souveraine du Béarn et de la Navarre. Alain était, en outre, comte de Dreux, de Gaure, dans la vallée du Gers, de Penthièvre, de Périgord, vicomte de Tartas et de Limoges, seigneur d’Avesnes et de Landrecies, etc. C’était un puissant feudataire dont l’autorité s’exerçait sur une des plus belles parties du Plateau central. Dans sa longue carrière il devait vivre sous cinq rois. Dans l’espérance, étant veuf de sa première femme, d’épouser lui aussi Anne de Bretagne, il avait, dès 1480, levé des troupes qu’il mena en Bretagne contre les Français ; mais, après avoir forcé ceux-ci à lever le siège de Nantes, il apprenait qu’Anne venait d’être fiancée à Maximilien d’Autriche, abandonnait la partie et faisait sa paix avec Charles VIII.

Né vers 1440 d’un père gascon et d’une mère bretonne, Catherine de Rohan, d’extérieur lourd et grossier, boiteux, de petite taille, le regard farouche et dur, la figure toute couperosée, Alain avait plutôt, dit Achille Luchaire, l’aspect d’un chef de soudards que du représentant d’une grande famille féodale et d’un des plus riches propriétaires du royaume. Elevé auprès du roi Louis XI, il avait, en 1456, épousé Françoise de Blois, héritière de Blois-Bretagne. En 1471, par la mort de son grand-père, il avait enfin succédé aux vastes domaines des sires d’Albret. De son mariage avec sa femme, il avait eu huit enfans, dont l’aîné, Jean, vicomte de Tartas, avait, en épousant en juin 1484 Catherine de Foix et en devenant de la sorte roi de Navarre, donné un accroissement presque démesuré et bien inespéré à la puissance de la maison d’Albret. Les autres étaient, outre Charlotte à laquelle ces pages sont consacrées, Amanieu, qui fut cardinal et évêque de Pampelune,