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Il ne faut pas non plus avoir peur des deux gros volumes, chacun de cinq cents pages environ, dont se compose le Mozart de MM. de Wyzewa et de Saint-Foix. C’est beaucoup, et ce n’est pourtant que les vingt premières années de Mozart, le printemps d’une vie, qui devait toucher à peine à son été. Mais de ce printemps même, nous n’avions fait jusqu’ici qu’entrevoir la merveilleuse floraison. Fraîche, épanouie, embaumée, la voici tout entière devant nous. Les minutieux biographes ont distingué jusqu’à vingt-quatre périodes dans les vingt ans de l’« enfant prodige, » puis du « jeune maître. » Dans son œuvre, les judicieux critiques n’ont pas compté moins de deux cent quatre-vingt-huit ouvrages. Que dis-je ! les compter ne leur a pas suffi. De tous, fût-ce du moindre, ils ont fait l’historique et l’analyse détaillée. De presque tous ils ont transcrit les premières lignes, afin de nous en donner au moins l’idée et comme la sensation dans l’ordre de la musique pure. Enfin ils ont partagé tous les chapitres entre la biographie et la critique. Et ces deux parties, qui se touchent, et même se tiennent, sont pourtant séparables. Ainsi le lecteur non musicien, j’entends musicien de goût seulement, non de pratique, pourra se contenter de lire l’histoire de Mozart et de ne prendre connaissance que des faits. Le musicien complet trouvera par surcroît dans les citations et dans les commentaires qui les suivent la confirmation des faits et comme une illustration vivante de l’histoire.

Aussi bien, et là n’est pas la moindre originalité de la méthode appliquée par MM. de Wyzewa et de Saint-Foix, lorsque les documens biographiques leur manquaient, c’est dans l’œuvre du maître qu’ils ont été chercher les traces ou les échos de sa vie. Pour eux alors la musique de Mozart a non seulement chanté, mais parlé, mais raconté, mais témoigné. S’ils ont rétabli, — vous devinez au prix de quel travail, de quelles peines, — la chronologie intégrale et rigoureuse de toutes les compositions de Mozart, ils ne l’ont pas fait par vanité d’érudits, mais dans le dessein plus vaste, avec l’espérance plus haute de reconstituer le développement intérieur du génie de Mozart et d’atteindre ainsi la vie et l’âme véritable du maître, par-delà le détail tout anecdotique et souvent indifférent de son existence individuelle.

De ce génie, de cette âme, un caractère essentiel ou peut-être le principal caractère, n’avait pas encore été mis à sa place et dans son véritable jour : c’est la docilité, l’obéissance même, une obéissance naturelle et comme instinctive, aux influences musicales du dehors. La suite, exactement établie, ou rétablie, des œuvres de Mozart a suffi pour amener la critique à cette conclusion, qu’on peut appeler aussi