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allègrement, un programme religieux, politique, économique, qui affectait quelque originalité ; Bismarck, chez les parlementaires, n’aimait pas l’originalité mais l’obéissance. Il hésitait entre les diverses combinaisons possibles, ne se compromettait pas, semblait souhaiter, en février 1881, que Bennigsen fit partie du bureau du Reichstag, mais il n’osait pas le dire formellement ; le bureau, finalement, était formé par les conservateurs et le Centre. Le conservateur Arnim, élu président, regimbait contre le voisinage du catholique Franckenstein, et démissionnait ; alors on élisait Gossler, un conservateur que ce voisinage n’effrayait pas ; et la bonne entente des deux partis survivait, d’autant plus ferme, à ces manœuvres hostiles. Auguste Reichensperger, dans une lettre du 2 mars, prévoyait que Bismarck, sortant de ses tergiversations, pourrait bientôt être forcé de jeter vers le Centre un nouveau pont.

Ce fut vers Reichensperger lui-même que Bismarck le jeta. A la soirée parlementaire du 29 mars, on les vit trinquer ensemble, et causer un peu de tout, des fouilles d’Olympie, de celles de Pergame, du parlement de Francfort. Reichensperger s’extasia sur la bonne bière que fabriquaient certains moines, expulsés d’Allemagne : « Il peut bien arriver qu’ils y rentrent, » interrompit Bismarck. On écoutait autour d’eux ; un témoin disait, à la sortie : « Cette soirée appartient au Centre, » et Reichensperger songeait malignement à la belle surprise qu’allait éprouver la Gazette de Cologne. Bismarck, en pleine soirée parlementaire, avait étalé et comme affiché l’influence des parlementaires catholiques, cette influence que la Gazette, après leur refus de participer aux fêtes de Cologne, avait déclarée définitivement ruinée. Cinq jours après, Reichensperger retournait chez Bismarck, et sans mécontentement le chancelier lui disait : « On me soupçonne, depuis la dernière soirée, d’être passé complètement du côté du Centre. » Les Grenzboten, bientôt, voulant apparemment dissiper le soupçon, signifièrent qu’on pouvait faire la paix avec Rome, mais jamais avec le Centre, jamais avec « les troupes, jésuitiquement dressées, de la démocratie hostile à l’Empire. »


III

On avouait causer avec Rome ; que Berlin causât avec Rome, et puis boudât, et puis causât encore, c’était désormais