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des Antiques, non encore ouvertes au public ; rentré chez lui, il adressa au directeur une lettre où, après avoir chaleureusement exprimé son admiration, il ajoutait : « Le titre qui convient le mieux à cette précieuse collection est le nom du héros à qui nous la devons. Je crois donc exprimer le vœu national en vous autorisant adonner pour inscription à la frise qui domine la porte d’entrée ces mots : Musée Napoléon. »

Depuis le vote du Consulat à vie, le général Bonaparte accolait à sa signature ce prénom exotique, destiné à une renommée sans égale, mais tourné jadis en ridicule par les condisciples de Brienne, et laissé depuis lors dans une ombre prudente. C’était ici la première fois que le prénom s’isolait, à la mode princière : le Musée Napoléon précédait et annonçait le Code Napoléon et l’établissement même du trône impérial.

A la suite de la proclamation de l’Empire et conformément à la tradition monarchique, le Musée, rattaché au domaine impérial, fut placé dans la dépendance de l’intendant général de la couronne. Attribuée d’abord à un ancien ministre de Louis XVI, Fleurieu, cette intendance échut bientôt à Daru, que son étonnante puissance de travail et sa forte culture intellectuelle mettaient à même de s’intéresser efficacement au Musée. Quand, en 1811, Daru eut remplacé Maret à la secrétairerie d’Etat, le nouvel intendant général, Champagny, parait avoir quelque peu négligé le Louvre ; du moins, à partir de cette date, c’était plutôt le ministre de l’Intérieur, l’affable et laborieux Montalivet, que le directeur prenait pour confident doses projets et de ses mécomptes, toutes les fois qu’il s’agissait d’une question délicate.

Ainsi qu’il avait été établi lors de la promulgation du Concordat, le Musée demeura ouvert au public les samedis et dimanches de 2 à 4 heures. Ces jours-là, il s’y pressait une foule très mêlée : mais Napoléon tenait à ce que, dans ces limites étroites, le principe du libre accès au Musée fut rigoureusement respecté : en septembre 1806, au lendemain de l’agression prussienne, quatre jours avant de quitter Saint-Cloud pour entamer la campagne d’Iéna, il trouvait le temps de se plaindre qu’on eût un samedi « retardé l’entrée du Muséum » et contraint le public à attendre à la porte : « On ne peut rien faire qui soit plus contraire à mon intention. »