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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/696

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compliment. Pour moi, je désire la savoir loin de l’Italie. Tant qu’elle y sera, je suis persuadée qu’elle aura un soin extrême de t’affliger par de mauvaises histoires sur mon compte. Cependant j’aurais voulu que tu aies le plaisir de lavoir quand elle recevra la nouvelle de la perte des 250 aunes de damas dont le feu Roi lui avait fait cadeau. Arrivés de Lyon, où il les avait commandés, on les porta à la garde-robe du Régent. Ils ont eu le même sort que d’autres effets que le Roi faisait venir de pays étrangers, d’être employés aux appartemens du Duc ou donnés à une de ses maîtresses.

« On a beau faire chercher, ils ne se retrouvent plus. Le Duc soutient ne les avoir jamais reçus ; le commissaire Peyron prétend les lui avoir livrés ; je ne suis pas fâchée de cette cacophonie. La chère Abbesse regrettera la perte qu’elle a faite du meilleur des frères et, comme elle n’est sensible qu’à l’intérêt personnel, c’est par là même qu’elle sera convertie.

« En rentrant en Suède, elle trouvera son appartement aussi peu avancé que lorsqu’elle est partie. Dès que Silversparre en parle au Duc, il lui tourne le dos en répondant qu’il n’a pas d’argent…

« Le Régent, assoupi dans la mollesse et la volupté, sacrifie tout à sa nouvelle passion pour la Love, qui, pour s’être un peu brouillée avec lui, n’en a repris que plus d’empire. Elle lui coûte déjà, outre les cadeaux en bijoux, 22 000 riksdalers en plus des 1 500 de pension annuelle qu’elle lui a fait donner sous prétexte qu’elle avait été la maîtresse du feu Roi. »

21 mai. — « Le monde semble me rendre plus de justice aujourd’hui par le vif intérêt qu’on m’a témoigné au sujet de ma faible santé. Ce fut à la mode de venir me voir tout le temps que j’étais malade. Tu peux en juger quand je te disque Mme de Brahe, à qui je n’ai pas dit deux mots cet hiver, la fuyant comme la peste, ne manqua pas un jour de venir prendre de mes nouvelles, sans parler des autres dames de la Cour et de la ville. Essen, par exemple, ne manquait pas un jour de venir me voir et offre de m’accompagner à cheval, persuadé qu’il me faut de l’exercice et de la dissipation. On a bien dit que j’avais fait une fausse couche ; mais je leur ai donné le meilleur démenti en relevant de ma maladie. On n’a pas le visage frais et la gorge telle que je l’ai après un tel accident.

« On m’a dit aussi que les hommes entre eux prétendent que j’étais malade du changement de régime et que si je