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cœur française. Genève, de son côté, est annexée en 1798 ; la Savoie du Nord, à laquelle est jointe le pays de Gex, forme avec Genève pour capitale le département du Léman. Pour la première fois depuis près de trois siècles, Genève est politiquement unie à la Savoie, union qui va être à nouveau brisée à la chute de l’Empire, lorsque Genève, ayant repris sa liberté et s’étant réunie à la Confédération helvétique, la Savoie est restituée au roi de Sardaigne, pour partie en 1814, et en totalité en 1815. Tous les vieux différends entre Genève et la Savoie se font jour alors au Congrès de Vienne. La Sardaigne présente avec succès cette fois à l’Europe sa vieille demande de neutralisation de la Savoie. Genève, par la bouche de l’habile Pictet de Rochemont, découvre ses ambitions sur la Savoie du Nord et demande de ce côté un agrandissement de territoire avec de bonnes frontières, des limites stratégiques, le Fier ou les Usses : prétention écartée de prime abord par le Congrès, qui rejettera même la demande de Pictet de Rochemont tendant à obtenir de la Sardaigne l’engagement qu’aucune partie de la Savoie septentrionale ne serait jamais cédée à d’autres qu’à la Suisse. Genève demande et obtient la libre sortie des denrées du duché de Savoie destinées à sa consommation. Elle obtient, moyennant le prix de cent mille livres, le reculement de la ligne des douanes sardes à une petite distance de la frontière politique, c’est-à-dire la réserve d’une zone franche de minime étendue en bordure de sa frontière méridionale : voilà la « zone sarde » constituée. Elle obtient enfin la cession par la Sardaigne de douze communes destinées à arrondir son territoire et à désenclaver certaines de ses possessions, ceci comme contre-partie de la neutralité qui est conférée à la Savoie. Par l’article 92 de l’acte final du Congrès et l’article 7 du traité de Turin du 16 mars 1816, le privilège de la neutralité helvétique est en effet accordé à la Savoie septentrionale au nord d’Ugine, Faverges et Lescheraines, et de là au lac du Bourget jusqu’au Rhône : « En conséquence, toutes les fois que les puissances voisines de la Suisse se trouveront en état d’hostilité ouverte ou imminente, les troupes de S. M. le roi de Sardaigne qui pourraient se trouver dans ces provinces, se retireront, et pourront à cet effet passer par le Valais, si cela devient nécessaire ; aucunes autres troupes armées d’aucune autre puissance ne pourront traverser ni stationner dans les provinces et territoires susdits, sauf celles que