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n’est-ce pas qu’elle se refuse à reconnaître, en prenant acte d’une compensation, l’échec de ses prétentions territoriales sur la Savoie du Nord ?

Quoi qu’il en soit, l’affaire de l’annexion se résout dès lors vite et bien. La Savoie du Nord reçoit avec empressement l’assurance officielle que le vote « oui et zone » sera « déclaré valable et considéré comme affirmatif. » Dans toute la Savoie, l’influence des modérés de droite et de gauche réalise l’union des partis en faveur de la France. Le parti sarde disparait comme par enchantement après la publication du traité d’annexion, non sans laisser un bel et digne adieu au Roi : « Nous sommes, sire, les aînés de vos sujets, et votre plus haut titre de noblesse est fait de notre nom… » Quel loyalisme au souverain pouvait prévaloir contre l’abandon, par ce souverain, du berceau de sa maison ? Les conservateurs, fidèles au prince, ont perdu leur prince ; les démocrates, fidèles à Cavour, sont joués par Cavour ; la Savoie ne peut plus appartenir à l’Italie ; que sera-t-elle, sinon française ? Le plébiscite du 22 avril est moins un vote qu’une fête. Sur 130 839 votans, il y a 130 533 oui ; les non ne sont que 235 ; la Savoie du Nord, où le parti suisse voit son effondrement, donne, sur 47 474 votans, 47 076 oui et zone. L’unanimité ne peut être plus complète, plus frappante aux yeux de l’étranger. Le Cabinet de Londres, qui a poussé la Suisse à la lutte et protesté lui-même aigrement à Paris, abandonne son opposition ; la Suisse voit échouer toute sa campagne diplomatique, et après s’être donné « l’émotion d’une petite agitation militaire, » isolée et impuissante, elle laisse tomber ses protestations, sans toutefois se résoudre à considérer comme close la « question de Savoie. » Le traité d’annexion, ratifié le 29 mai par le Parlement de Turin, est promulgué à Paris par le sénatus-consulte du 12 juin, en exécution duquel un décret, rendu le même jour, crée officiellement la zone.


III

Voilà donc constituée la zone franche de la Haute-Savoie. Bornée au Nord par le Léman, la frontière genevoise et le Rhône, elle l’est au Midi par la rivière des Usses et la ligne de partage qui sépare le bassin de l’Arve des bassins du Fier et de l’Arly. Sa population actuelle est d’environ 171 000 habitans,