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Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/817

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fait librement ses affaires en Suisse et en zone à la fois ; sa concurrence sera ruineuse pour son rival zonien. La Suisse est à même non seulement d’inonder la zone de ses produits, ou de tous produits étrangers (allemands surtout), mais même d’accaparer, si les zoniens ne se défendent, une bonne partie du commerce de la zone. Telle est la conséquence du régime. Le bénéfice en est pour la Suisse bien plus que pour la zone : Genève a, de la zone, plus besoin, et la Suisse en général tire plus profit, que la zone ne fera jamais de la Suisse ou de Genève.


V

Si le régime de la zone franche présente ainsi pour les zoniens eux-mêmes, à côté de certains avantages, tant et de si graves inconvéniens, je crois qu’on peut se l’expliquer si l’on observe combien la situation économique de la Savoie septentrionale a changé depuis cinquante ans. Au temps de l’annexion, la difficulté des communications rendait malaisés les rapports commerciaux du Chablais et du Faucigny avec le reste de la Savoie ; Genève était par la force des choses le centre économique, le débouché naturel de ces provinces. Or, depuis ce temps, d’admirables routes ont été ouvertes entre la vallée de l’Arve et les vallées du Fier et de l’Isère, plusieurs voies ferrées ont mis Bonneville et Thonon en rapports avec Annecy et la Savoie propre, avec Bellegarde et la France : la zone n’est plus nécessairement tributaire de la Suisse. D’autre part, les tendances libre-échangistes en faveur en 1860 ont fait place à un protectionnisme toujours grandissant ; plus la France et la Suisse ont élevé leurs barrières douanières, plus difficile s’est trouvée la situation de la zone franche, demeurée libre-échangiste entre deux voisins devenus protectionnistes, et cela en dépit des facilités que lui consentirent la France et la Suisse, l’une très libéralement, l’autre avec parcimonie. Enfin nul n’ignore quelle importance a prise depuis un quart de siècle l’exploitation de cette richesse nouvelle, la houille blanche. Partout l’industrie recherche la force hydraulique. L’Isère, la Savoie, ont rivalisé d’ardeur pour mettre en valeur leurs chutes d’eau. La zone franche cependant n’a encore réussi à utiliser que 28 à 30 000 chevaux de force sur la merveilleuse réserve de 150 000 chevaux que lui offrent ses torrens. Pourquoi, nous